Les salariés d'Ikéa sous surveillance ?

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avec Olivier Samain , modifié à
L'entreprise a suspendu un de ses salariés et promis de lancer une enquête interne.

"On a un collaborateur qui vient de l'ANPE et roule en Porsche Carrera, pouvez-vous me dire à quel nom elle est immatriculée ? Et si ce nom est différent du collaborateur ?". Selon des informations du Canard Enchaîné, ce mail aurait été envoyé par Ikéa à des officines privées de sécurité. Moyennant rémunération, le géant du meuble aurait ainsi eu accès aux fichiers de police réservés au service de l'État.

Objectif : en savoir plus sur les salariés ou les clients récalcitrants de l'entreprise. "Son discours est antimondialiste, ses méthodes 'vieille garde CGT' (se bouche les oreilles et répète sans cesse la même chose concernant ses acquis). Syndicalisme ? Correspond pas trop au profil de sa dame. Prosélytisme divers ? ATAC ou autres ? Risque de menace écoterroriste ?", peut-on lire sur l'extrait du mail auquel le journal satirique a eu accès.

80 euros la consultation

Les clients n'ont pas été épargnés par ces pratiques d'espionnages douteuses. Le Canard Enchaîné révèle en effet qu'à Morlaix, dans le Finistère, une cliente qui réclamait 4.000 euros à Ikéa, aurait été espionnée. "Pourriez-vous me faire une recherche sur cette adresse et me dire : 1 - Qui est propriétaire des lieux (ou locataire) de façon officielle ? 2 - Cette personne est-elle connue des services ?", demande l'entreprise.

Extraits de casier judiciaire, numéro de téléphone portable, numéro de plaque d'immatriculation, adresse personnelle… les demandes de renseignements sont variées. Selon le Canard Enchaîné, une centaine de mails ont été envoyés par le directeur de la gestion de risque d'Ikéa. Ce dernier est d'ailleurs suspecté d'avoir mis son nez dans les fichiers de police pendant plusieurs années.

En échange de 80 euros, les responsables d'officines privés auraient accepté de fournir les informations des fichiers de police, les cartes grises, les permis de conduire, ou encore les factures téléphoniques.

Des plaintes bientôt déposées

Les clients ne comptent pas en rester là. Une dizaine de délégués syndicaux FO des trois magasins Ikea situés à Franconville (Val d’Oise), Roissy Paris-Nord (Seine-Saint-Denis) et Thiais (Val-de-Marne) ont annoncé qu’ils allaient porter plainte contre X, rapporte Le Parisien. Ils comptent aussi dans les prochains jours créer une "association de défense des victimes d’Ikea" pour demander "la prise en charge des victimes, la vérité et la justice" pour tous les salariés, délégués syndicaux et clients concernés.

"C’est une atteinte à leurs droits de salariés et une atteinte à leurs droits individuels, à leur liberté fondamentale", a expliqué sur Europe 1 Me Sofiane Hakiki, l'un des avocats des salariés. "C’est très grave. Et si ce qui est écrit dans le Canard enchaîné correspond à la réalité des faits, dans ce cas-là, nous sommes dans le cadre d’une infraction pénale qui est l’utilisation illicite de données personnelles. C’est puni par cinq ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amendes".

Ikéa veut que toute la "lumière soit faite"

Forcé de s'expliquer, le directeur de la communication d'Ikea a déclaré que l'entreprise "souhaitait faire toute la lumière" sur les pratiques de "flicage" de son personnel et de clients. "Nous prenons la parution de ces accusations très au sérieux. Nous avons lancé une enquête avec l'aide de conseillers indépendants pour obtenir la vision la plus complète de ce qu'il s'est passé dans les faits", indique Ikea France dans un communiqué. "Par respect de la présomption d'innocence, la personne concernée est mise en disponibilité durant ces investigations", précise le texte.

De son côté, le PDG de Sûreté International, joint par Rue 89, "dément formellement"  les informations du journal d'investigation. "Certains de mes salariés ont monté un cabinet parallèle, en profitant des connexions qu'on avait avec la direction. Ils ont été licenciés pour faute en 2004 [notamment Yann Messian, mentionné par le Canard, ndlr], et il y a eu un procès pour concurrence déloyale", a-t-il déclaré.