Les gardes à vue en France illégales ?

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S’appuyant sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, le bâtonnier de Paris encourage l’annulation des gardes à vue.

"Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat." Cette réplique récurrente dans les fictions anglo-saxonnes a inspiré le nom d’une nouvelle association d’avocats français. Son objectif : changer les conditions de la garde à vue en France. Aujourd'hui, si un avocat peut rencontrer son client dès la première heure de garde à vue, sa présence reste symbolique : il n'a pas accès au dossier et ne peut assister aux interrogatoires. C’est ce que veulent changer les conseils.

Ils s’appuient sur deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. "Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation", écrivaient les juges européens à propos de la Turquie le 13 octobre 2009.

La Chancellerie souligne que le Code de procédure pénale prévoit bien l'accès à un avocat dès le début de la garde à vue, et que cette procédure est mise en oeuvre depuis près de dix ans. "En aucun cas, la Cour européenne des Droits de l'homme n'exige que l'avocat soit présent pendant toute la durée de la garde à vue. Comment peut-on faire dire à l'arrêt ce qu'il ne dit pas ?", a réagi mardi le porte-parole du ministère de la Justice.

L’association vient de diffuser un modèle type de conclusions juridiques à destination des avocats pour invoquer la nullité d’une garde à vue. "Les premières décisions d'annulation tomberont dans quelques semaines", a assuré au Figaro Pierre-Olivier Sur, avocat parisien et cofondateur de l'association.

Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, Christian Charrière-Bournazel, appelle lui aussi ses collègues à faire annuler toutes les procédures de garde à vue prises par la police. Depuis les deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, "toutes les gardes à vue qui ont lieu aujourd’hui en France sont illégales", a-t-il affirmé au micro de France-Info.

Les avocats français entendent aussi faire changer la loi. La nouvelle association entend en effet déposer une proposition de loi qui sera relayée à l’Assemblée nationale par le député UMP Manuel Aeschlimann. Ils veulent ainsi participer à la réforme de la procédure pénale impulsée par Nicolas Sarkozy. La Chancellerie prévoit de limiter l'utilisation des garde à vue - qui a augmenté de 50 % en sept ans - aux cas où une peine de prison est encourue. Mais le ministère n'envisage pas de système à l'anglo-saxonne.