"Les fantômes d'Outreau sont encore là"

Alain Marécaux a ressenti "beaucoup d'émotion"  pendant la projection de Présumé Coupable.
Alain Marécaux a ressenti "beaucoup d'émotion" pendant la projection de Présumé Coupable. © DR
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M.L. avec agences , modifié à
Alain Marécaux, acquitté d'Outreau, a assisté mardi à l'avant-première du film Présumé Coupable.

Quatre ans de descente aux enfers. Alain Marécaux, l'un des acquittés d'Outreau, a assisté mardi soir à la projection en avant-première de Présumé coupable, qui retrace une des plus grosses erreurs judiciaires en France autour d'une affaire de pédophilie.

Interviewé mercredi sur Europe 1, il estime qu'Outreau fera "toujours partie" de lui. Pour lui, le cauchemar a démarré un beau matin de novembre 2001. Perquisition, garde à vue, placement des enfants en famille d'accueil , puis 23 mois de détention provisoire, et en prime, les pires accusations de pédophilie. Avec 16 autres personnes, Alain Marécaux, huissier de justice, est accusé d'actes pédophiles sur la base des témoignages de quatre enfants et de celui d'une adulte, également accusée, Myriam Badaoui, qui se rétractera lors du procès en appel.

Le dossier vire au fiasco judiciaire et aboutit finalement à l'acquittement de 13 des prévenus, dont Alain Marécaux après deux procès aux assises en 2004 et 2005. L'affaire d'Outreau met en lumière les failles du système judiciaire français et le rôle de son juge d'instruction, Fabrice Burgaud.

"Les fantômes continueront à me hanter"

"Il ne s'agit pas de refaire l'affaire d'Outreau. Ce film, c'est avant tout l'histoire d'un homme, l'histoire de mon cauchemar", explique l'huissier, qui a toujours clamé son innocence et a fait plusieurs tentatives de suicide pendant sa détention. "Maintenant, les cicatrices se sont refermées, mais elles sont visibles et encore là. Outreau s'éloigne mais les fantômes d'Outreau continueront à me hanter", a confié Alain Marécaux sur Europe 1.

Mardi soir, après la projection de Présumé Coupable, les gens se sont mis debout dans la salle "pour applaudir longuement". Ce sont des "petits moments importants", a commenté le protagoniste du film, qui a avoué son émotion pendant la projection. Le film, qui doit sortir le 7 septembre, est inspiré de son livre Chronique de mon erreur judiciaire. Alain Marécaux y est incarné par Philippe Torreton, qui les yeux rougis, raconte sa vie d'avant.

Cela "peut arriver à tout le monde"

Parmi les spectateurs, il y avait notamment Pascal Clément, le ministre de la Justice d'alors. Alain Marécaux espère qu'il y a eu un "après-Outreau" et que cette affaire a fait progresser la justice en France. Mais il ne se leurre pas. "Ce qui m'est arrivé peut arriver à tout le monde, à vous.

C'est un message que j'essaye de faire passer, même si c'est malheureux :

"Il y a eu quelques avancées législatives, j'en veux pour preuve la présence de l'avocat pendant les gardes à vue, la vidéo qui apparaît dans les bureaux des juges d'instruction, mais on peut malheureusement tomber encore sur un juge d'instruction obtus" , juge-t-il. Toutefois, même s'il reconnait en Fabrice Burgaud le rôle du chef d'orchestre, il "faut avoir conscience que dans ce dossier il n'était pas tout seul".

Et c'est bien là la preuve selon lui, que la justice continue à dysfonctionner en France : "il a été sanctionné, ou admonesté plutôt, mais regardez là aussi on a une autre injustice , il a été le seul sanctionné".