Le harcèlement sexuel revu et corrigé

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Assiya Hamza avec AFP , modifié à
Le projet de loi, présenté mercredi en Conseil des ministres, est jugé compliqué par les associations.

Le texte se veut aussi précis que possible. Le projet de loi sur le harcèlement sexuel, révélé mardi en exclusivité par Europe 1, sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Préparé conjointement par les ministres de la Justice Christiane Taubira et des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, il vise à combler le vide juridique laissé par l'abrogation de l'ancienne loi par le Conseil constitutionnel, le 4 mai dernier.

Ce texte prévoit deux formes distinctes de harcèlement sexuel, avec des peines bien distinctes. Dans le premier cas de figure, la loi stigmatise tout agissement consistant à "imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité, en raison de leur caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant". Le harceleur risque alors un an de prison et 15.000 euros d'amende.

Dans la seconde situation, "est assimilé à un harcèlement sexuel", le fait mentionné dans le premier cas qui, "même en l'absence de répétition, s'accompagne d'ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation sexuelle". Les sanctions seraient alors doublées : deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.

Des peines plus élevées sont également prévues en cas d'abus d'autorité, d'actes commis sur des mineurs de 15 ans ou sur des personnes vulnérables.

"C'est une usine à gaz"

Proche d'une directive européenne de 2002 jamais transposée dans le droit français, le projet de loi est pourtant loin de satisfaire tout le monde. "On sent que le gouvernement a fait l'effort de couvrir le maximum de situations possibles de harcèlement sexuel", a reconnu Marilyn Baldeck, la déléguée générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). Mai, "c'est un texte compliqué, c'est une usine à gaz", a-t-elle déploré.

"Pour obtenir l'infraction la plus sévèrement réprimée, la victime va devoir prouver énormément de choses" ce qui rend le texte "inapplicable en l'état", a regretté Marilyn Baldeck. Et,"pour le gouvernement, la forme la plus grave de harcèlement sexuel reste moins punie que le délit de vol. Le message est quand même gravissime", a-t-elle conclu.

De nombreux dossiers en souffrance

Le gouvernement souhaite que le nouveau texte puisse être "adopté avant la fin du mois d'août", a indiqué le ministère des Droits des femmes. Il sera donc présenté en procédure accélérée au Parlement, c'est-à-dire avec une seule lecture par chambre.

Reste que cette nouvelle loi ne répondra pas aux demandes des victimes dont les procédures ont été annulées après l'abrogation de la loi par le Conseil constitutionnel. Malgré "une circulaire de la chancellerie", les tribunaux annulent les poursuites pour harcèlement sexuel sans chercher à les requalifier, regrette l'AVFT. Des centaines de dossiers seraient ainsi en souffrance.