La suppression du Défenseur des enfants est "inacceptable"

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Propos recueillis par Karine Lambin , modifié à
Claire Brisset a été la première Défenseure des enfants. Elle revient sur l’importance de ce poste aujourd’hui menacé.

La Convention internationale des droits de l’enfant fête ses 20 ans vendredi. Ce texte est à l’origine de la création en France du poste de Défenseur des enfants, aujourd’hui menacé par la dernière révision constitutionnelle. Claire Brisset l’a occupé de 2000 à 2006 et revient sur son importance.

Vous avez été la première à exercer le poste de Défenseur des enfants ? Quelles sont ses missions ?

Il reçoit des réclamations individuelles d'enfants dont les situations sont dans des impasses et essaie de les en sortir. Il repère les dysfonctionnements dans le droit français ou dans les pratiques et fait des propositions de réforme pour y remédier. Enfin, il informe les adultes et les enfants sur les droits de l'enfant. Pour ce faire, un réseau d'une cinquantaine de correspondants relaie l'action du Défenseur et l'aide à débloquer les cas individuels les plus difficiles.

Depuis 2000, quelles avancées ont eu lieu grâce au Défenseur des enfants ?

Dominique Versini - qui m'a succédé - et moi avons traité 20.000 cas individuels d'enfants. Près la moitié ont été résolus, ce qui est beaucoup, dans la mesure où on reçoit les cas en dernier ressort, donc les plus compliqués. En ce qui concerne le droit, nous avons contribué à faire passer l'âge du mariage des filles de 15 à 18 ans et a renforcé la pénalisation des clients de prostitués mineurs notamment. L'écoute des enfants dans les procédures judiciaires a beaucoup progressé. Nous sommes intervenues en faveur des mineurs étrangers isolés, dans les centres de rétention notamment. Mais il reste encore beaucoup à faire. Il faut continuer à combattre la violence à l'égard des enfants ou encore terminer la transcription en droit français de toutes les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant.

La dernière révision de la Constitution a créé un nouveau Défenseur des droits qui remplacerait le Défenseur des enfants. Qu'en pensez-vous ?

C'est une péripétie qui résulte d'une grande impréparation, d'un manque d'analyse du dossier et je fais confiance aux parlementaires pour modifier ce projet. En son état actuel, il supprimerait le Défenseur des enfants en le diluant dans une autre entité administrative beaucoup plus large. Tel qu'il est, ce texte est évidemment inacceptable. Le gouvernement sait très bien que c'est une institution utile mais dès qu'on parle des droits de l'homme on risque toujours de déranger; je crois que c'est plutôt là que se trouve la racine du problème. Il faut cependant jouer le jeu quand on est une démocratie. Que cette institution soit adossée à une autre plus large ne me dérangerait pas, du moment qu'elle continuerait à exister avec sa dénomination, ses pouvoirs propres et son indépendance.