La CJR, à quoi ça sert ?

La Cour de justice de la République est une juridiction d'exception composée en grande partie de parlementaires mais aussi de magistrats.
La Cour de justice de la République est une juridiction d'exception composée en grande partie de parlementaires mais aussi de magistrats. © Maxppp
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ZOOM - François Hollande veut la supprimer. Europe1.fr revient sur son fonctionnement.

François Hollande a proposé de supprimer la CJR, juridiction compétente pour juger les crimes et délits commis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions. La CJR a été créée par une loi de révision constitutionnelle votée le 27 juillet 1993, suite à une série d'affaires politico-financières et à l'affaire du sang contaminé révélée sous le second mandat de François Mitterrand. Europe1.fr détaille le fonctionnement de cette institution.

Quels actes relèvent de la CJR ? Les ministres et secrétaires d’Etat peuvent être jugés devant les tribunaux de droit commun. Seuls les crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions relèvent de la compétence de la CJR.

Qui compose la Cour ? La CJR comprend 15 juges : 12 parlementaires élus par l’Assemblée nationale et par le Sénat après chaque législature. Parmi les parlementaires les plus notoires siégeant à la Cour, on trouve notamment le député Vert Noël Mamère et le socialiste André Vallini. Trois magistrats du siège à la Cour de cassation complètent le reste de la juridiction.

Qui peut saisir la juridiction ? La possibilité de porter plainte devant la Cour est offerte à toute personne s’estimant lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions. Cependant et pour éviter une multiplication des poursuites sans fondement, une "commission des requêtes" jouant un rôle de filtre.      

Comment juge la Cour ? Trois juges indépendants mènent ensuite l'enquête, avec des délais très longs. Ensuite, si un procès est décidé, il se tient devant une formation mixte composée de six sénateurs, six députés et trois magistrats professionnels de la Cour de cassation. Cette composition "politique" est au coeur des critiques.

Quels ministres ont eu affaire à la CJR ? Sur les 12 dossiers dont la CJR a été saisie depuis 1993, 6 ont fait l'objet d'une décision d'incompétence ou d'un non-lieu avant procès et aucun des 6 autres n'a été sanctionné de prison ferme. Dans son arrêt du 9 mars 1999 concernant l'affaire du sang contaminé, la Cour a relaxé Laurent Fabius, Premier ministre entre 1984 et 1986 et Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité, inculpés pour "homicide involontaire". Edmond Hervé, alors secrétaire d'État à la Santé, a été reconnu coupable. Invité d'Europe 1 mardi matin, Laurent Fabius a pointé du doigt la lenteur de la cour. : "Je pense que j'aurais été jugé de la même manière par un tribunal 'normal', mais cela aurait été beaucoup plus rapide pour finir par déclarer ce que la Cour de justice a déclaré.

Ségolène Royal a été poursuivie en diffamation par deux enseignants du lycée Thiers de Marseille. Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de justice a relaxé la ministre délégué à l'Enseignement scolaire, estimant que celle-ci avait rapporté la preuve des faits qu'elle imputait aux plaignants. Michel Gillibert, secrétaire d'Etat aux Handicapés de 1988 à 1993, coupable d'avoir détourné 1,3 million d'euros, a été condamné en juillet 2004 pour escroquerie à trois ans d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'inéligibilité. Enfin, Charles Pasqua, ancien ministre de l'Intérieur, a été condamné à un an de prison avec sursis au printemps 2010, dans une affaire de malversations et relaxé dans deux autres cas similaires.     

Quid des dossiers actuels ? Deux procédures sont actuellement instruits par la CJR. L'un vise la revente d'un terrain de Compiègne par Eric Woerth quand il était ministre du Budget, et l'autre concerne Christine Lagarde, actuelle directrice générale du FMI et ex-ministre de l'Economie, à propos du choix d'un arbitrage ayant abouti au versement de 285 millions d'euros de fonds publics à Bernard Tapie. Si François Hollande est élu, ces deux affaires pourraient être les dernières jugées par la CJR.

Pourquoi la CJR est critiquée ? Le dispositif de la CJR, avec des instructions longues et des procès où siègent des élus, est critiqué par de nombreux juristes qui le jugent compliqué et contraire au principe de l'impartialité des juges, en raison de sa composition politique.

Qu'est-ce qui pourrait remplacer la CJR ? Plusieurs pistes de réflexion sont en cours. Les ministres pourraient, par exemple, être jugés par les magistrats de la Cour de cassation. Un système de filtrage des plaintes via une commission pourrait être aussi conservée, pour éviter une multiplication des procédures.