L'Académicien Félicien Marceau est mort

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L'ancien doyen de l'Académie française s'est éteint à l'âge de 98 ans.

Le visage aigu d'un ascète, les lèvres coupantes et l'œil sombre, doué de ce qu'il appelait lui-même "la gaité profonde des pessimistes", Félicien Marceau maniait une plume où alternaient le comique et l'émotion, la tendresse et l'acidité. L'académicien d'origine belge est décédé mercredi à l'âge de 98 ans. Prix Goncourt en 1969, et auteur d'une quarantaine d'ouvrages, Félicien Marceau était “obsédé par la recherche de la liberté et d'une vérité intime“.

En exil en France

Né Louis Carette en 1913, dans une famille bourgeoise belge, francophile et catholique. C'est à l'âge de huit ans qu'il écrit son premier roman "Les Cafres". En 1936, il entre à la radiodiffusion belge, pour laquelle il continue de travailler pendant les débuts de l'occupation allemande. Cette "collaboration" lui vaut une condamnation par défaut à quinze ans de prison en 1946. Mais il ne purgera pas sa peine. Félicien Marceau est depuis 1944 en "exil dans (son) pays véritable", la France, dont il acquiert la nationalité en 1959. Mais jusqu'à la fin de sa vie, il sera poursuivi par ce que “son maître Balzac aurait appelé une "ténébreuse affaire"“, et que lui qualifiait simplement de "connerie". Ainsi, lorsque Félicien Marceau entre à l'Académie française en 1976, au fauteuil de Marcel Achard, cela provoque un scandale en Belgique, où l'on n'a pas oublié sa condamnation.

Des planches au roman

Si Félicien Marceau obtient ses plus grands succès au théâtre, avec entre autres "L'Oeuf", "la Bonne soupe", il refuse de choisir, et passe des planches au roman avec aisance. Il trouve son compte dans chaque exercice: "le roman, c'est une longue patience, c'est un tricot. Une pièce, au contraire, c'est une partie de baccarat. Il faut l'écrire vite, après y avoir pensé encore beaucoup plus longtemps", dit-il. Il ajoute: "pour moi, "littérature" devrait s'écrire "lit et ratures".

A partir de 1948, il publie "Chasseneuil", puis "Chair et cuir" et "Capri, petite île", qui lui apportent le succès et en 1969, il obtient le Goncourt pour "Creezy", l'histoire d'un député qui tombe amoureux d'un mannequin, mais refuse de quitter sa femme pour elle, pour conserver sa respectabilité. La jeune femme, d'abord objet de désir, se révèle finalement plus profonde que son courtisan. Elle se suicidera, exprimant la tragique contradiction entre la réalité quotidienne et l'image obsessionnelle du bonheur. L'un des thèmes majeurs de l'œuvre de Marceau.

Stéphane Hoffman, auteur d'une biographie de l'écrivain parue en 1994, le décrivait ainsi: "Félicien Marceau est un rebelle. Blouson noir plus qu'habit vert. Il y a dans l'œuvre de l'aimable académicien plus de subversions que dans toute la geste révolutionnaire".