Kool Shen : "Je ne réécoute jamais NTM"

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Henri Seckel , modifié à
Joey Starr, NTM, le téléchargement illégal : Kool Shen passe aux confidences pour la sortie de son nouvel album.

Crise de conscience, le deuxième album de Kool Shen, sort lundi. La moitié de NTM revient, cinq ans après Dernier Round. Il se confie sur Europe1.fr.

> Kool Shen raconte sa Crise de conscience (1ère partie)

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous deviez annuler les concerts d’NTM prévus l’été dernier en raison de l’emprisonnement de Joey Starr ?

Une frustration. D’autant que ça s’était bien passé à Bercy, et surtout en province, ou c’était encore un level au-dessus, parce que les cinq Bercy, c’était un peu pour se chauffer, on n’avait pas fait de date avant. On était dégoûtés. C’est des grands moments, la scène. Donc forcément, en être privé, ça frustre. Surtout que là, c’étaient Les Vieilles Charrues, 120.000 personnes…

Êtes-vous en contact avec Joey Starr ?
En ce moment, très peu, par personnes interposées. Je sais qu’il va bientôt sortir [une mesure de semi-liberté lui a été accordée jeudi, qui devrait être effective dans le courant de la semaine].

Qu’aviez-vous pensé de son album solo, Gare au Jaguarr ?
J’ai pas trouvé ça terrible. Manque de maîtrise. Je trouve que ça rappe pas assez bien.

Quel est l’avenir d’NTM ?
Si des festivals sont "opé" pour nous inviter l’an prochain, on ira volontiers je pense. Donc si NTM a un avenir, c’est sur scène. Mais on avait dit qu’on ne revenait pas pour faire un disque.

Ça ne trotte même pas, quelque part, dans un petit coin de la tête ?
Non.

Votre façon de chanter a beaucoup évolué depuis vos débuts. Comment décririez-vous cette évolution, et comment l’expliquer ?
Par rapport à mes débuts, c’est plus musical. Il y a plus de maîtrise de la rythmique. Derrière, il y a une musique qui te donne des accents, des mélodies que tu dois respecter pour que l’osmose du morceau soit parfaite. Et ça, on le maîtrisait beaucoup moins à l’époque d’Authentik [1991, NDLR]. J’ai fait évoluer mon flow en écoutant du rap. Les gens autour, des rappeurs comme Psykopat, Salif, Zoxea et d’autres qu’on a pu rencontrer ont eu une influence sur nous, sur moi personnellement, et heureusement. Les rencontres font évoluer les choses.

En quoi le rap a-t-il changé ?
Aujourd’hui la musique rap est mieux maîtrisée au niveau du son. Après, le son c’est pas la vibe. Donc y a des gens qui peuvent s’accrocher à des sons de 96. Les instrus ont beaucoup changé. Avant, on maîtrisait tellement peu la musique qu’on pensait que plus on mettait de pistes, mieux c’était. Aujourd’hui j’ai l’impression qu’il y a une ligne de basse, un beat, et une petite mélodie, que ce soit du synthé ou autre chose. C’est mieux fait, mieux produit.

Le rap n’a-t-il pas perdu sa capacité à fédérer la jeunesse, par rapport aux débuts de l’aventure NTM ?
Disons qu’à l’époque, politiquement, on avait l’impression que la jeunesse pouvait avoir un avenir. Le message d’NTM, c’était pas que "nique la police". On se disait que, tous soudés, avec les yeux ouverts, avec l’envie, on pourrait faire des choses. C’est ce qu’on chantait : "Le monde de demain, quoi qu’il advienne nous appartient." C’est comme en politique. Y avait réellement une utopie de gauche qu’on croyait crédible et possible. Je crois qu’aujourd’hui, on en est un peu revenus.

Ça vous arrive de réécouter NTM ?
Jamais. Mais même l’album que je viens de finir là, je le réécoute pas. Une fois que j’ai fini, j’ai fini. En ce moment j’écoute de la soul et du reggae. Là j’écoute un album de Damian Marley que ma meuf a acheté sur iTunes. J’écoute le dernier de Busta Rhymes, et j’ai pas mal écouté le dernier d’Eminem. Sinon, pas trop de rap.

Vous avez 43 ans. Jusqu’à quel âge allez-vous faire du hip hop ?
Je sais pas. La dernière fois, j’avais dit que j’arrêtais, donc personne ne va me croire si je dis quand je vais m’arrêter. Franchement, je sais pas. Je m’interdis rien. Je peux encore passer la coupole [figure de danse hip hop] sans les mains, donc tout va bien.

Envisagez-vous à l’avenir de migrer vers autre style musical ?
Je saurais pas le faire. Je sais pas chanter. Je me vois difficilement faire de la musique. Donc c’est hip hop jusqu’au bout, par obligation.

Avez-vous déjà téléchargé un morceau illégalement ?
Jamais. Je ne sais même pas comment on fait, je n’utilise Internet que pour jouer au poker et recevoir des mails, et j’en renvoie même pas. Vu ma position, ce serait abusé de télécharger. Ce serait quand même un comble. Ma meuf achète des trucs sur iTunes.

Mais vous comprenez que les jeunes téléchargent ?
Bin ouais, je comprendrais pas qu’ils ne téléchargent pas. L’outil est donné, t’as pas de pouvoir d’achat… Si j’étais jeune, je téléchargerais. Moi je copiais les cassettes, c’est pareil. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, ce sont les artistes qui mangent pas. Tout travail mérite salaire. Si tu payes pas l’artiste, tu fais comment ? Pourquoi tu lui voles sa musique, de quel droit ? C’est normal que tu me voles quelque chose et que je mange pas ? Comment peut-on défendre ça ? C’est juste du vol. Maintenant, c’est cool, tu te fais pas prendre.

Le téléchargement illégal est-il responsable du déclin de l’industrie du disque ?
Moi, j’ai été producteur indépendant. Je pense que le téléchargement m’a fait fermer "IV My people" [le label de Kool Shen]. Ou alors on faisait vraiment des très très mauvais disques, c’est possible aussi. Mais à un moment donné, c’était plus viable. Bon, moi ça va, je remplis Bercy, c’est pas grave. Mais un jeune comme Salif [un rappeur lancé par Kool Shen], il peut pas manger avec les disques qu’il vend. Un artiste prend moins d’un euro par disque. T’en vends 20.000, ça fait moins de 20.000 euros. Et encore, il faut les vendre…