Hôpitaux : les "mandarins" sur la sellette

Un livre dénonce les honoraires excessifs et les privilèges des grands pontes hospitaliers.
Un livre dénonce les honoraires excessifs et les privilèges des grands pontes hospitaliers. © MAXPPP
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avec Eve Roger et AFP , modifié à
Un livre dénonce les honoraires excessifs de ces grands pontes hospitaliers.

Un mois après une première enquête qui dénonçait les dépassements d'honoraires "indécents" dans les hôpitaux, un livre enfonce le clou, chiffres et noms à l'appui, et élargit le débat. Dans Le livre noir des médecins stars, la journaliste Odile Plichon dénonce les honoraires excessifs et les privilèges des grands médecins.

"Des comportements totalement déviants"

Le coeur du problème réside dans le fameux secteur libéral, dont bénéficient quelques centaines de grands pontes pour leur clientèle très privée, au sein même de l'hôpital public mais qui prend des proportions démesurées alors qu'il n'est censé représenter que 20% de leur activité. Il y a une semaine, 200 praticiens hospitaliers ont d'ailleurs réclamé, dans un manifeste publié par Libération, la suppression de cet exercice privé à l'hôpital public. Le Dr André Grimaldi, diabétologue à la Pitié-Salpêtrière, est l'un des signataires. Il estime qu'environ 200 médecins "ont des comportements totalement déviants". "700 euros la consultation, c'est inadmissible ! C'est pas normal de payer en liquide dans une enveloppe", s'insurge-t-il sur Europe 1.

"Tolérerait-on, par exemple, que des enseignants dûment rétribués par l'Education nationale désertent leur collège pendant les heures de cours pour aller dispenser leur savoir devant des écoliers 'privés'? Accepterait-on que des policiers jouent les vigiles sur leur temps de service?", se demande ainsi Odile Plichon. C'est pourtant la pratique de certains mandarins qui semblent, selon la journaliste, faire passer leur clientèle privée avant leurs obligations de soins pour un service public hospitalier qui les rémunère.

Les plus capés des blouses blanches sont les quelque 6.000 Professeurs Universitaires-Praticiens Hospitaliers (PU-PH), dont le salaire brut annuel moyen oscille entre 72.000 euros en début de carrière et 145.000 en fin de carrière. Mais s'ils ont une certaine notoriété et disposent d'un secteur privé, ils peuvent ajouter, en moyenne, 250.000 euros supplémentaires à leurs revenus annuels. Certaines stars peuvent même gagner au moins deux fois plus.

Des règles pas appliquées

En théorie, les grands professeurs ne doivent pas consacrer plus de deux demie-journées à leur clientèle privée. Mais comme ils n'ont de comptes à rendre à personne, explique l'ouvrage, il leur est facile d'organiser leur emploi du temps comme bon leur semble. En théorie également, il ne peut y avoir plus de deux semaines de différence entre un rendez-vous pris dans le secteur privé du mandarin et pour son activité publique. Mais Odile Plichon a elle même testé les délais en appelant les secrétariats des médecins stars et a constaté qu'ils pouvaient aller au delà de deux mois, démontrant ainsi qu'il y a, de fait, une médecine à deux vitesses à l'hôpital.

Mais tous les médecins ne sont pas d'accord avec le manifeste des 200 médecins. "C'est stupide", estime le professeur Bernard Debré. "S'il y a des excès de vitesse sur une autoroute, on ne supprime pas l'autoroute. On met des agents et on verbalise. A partir du moment où on lutte contre les abus, je ne vois pas pourquoi on n'autoriserait pas les médecins à avoir, du fait de leur notoriété, une clientèle un peu différente et qui vient du monde entier", estime l'urologue, qui a opéré "six présidents de Républiques, des premiers ministres, des ministres, des émirs". "Il serait absolument ridicule de leur prendre 23 euros la consultation. Ils disent qu'ils ne sont pas venus pour voir un médecin qui prend 23 euros...", ajoute le médecin.