Honeywell : après le plan social, l'amiante

Déjà victimes de la fermeture imminente de leur usine, les salariés de la multinationale Honeywell découvrent qu'ils travaillent encore dans un site qui n'a pas été entièrement désamianté. L'usine étant promise à la fermeture, le désamiantage n'aura pas lieu.
Déjà victimes de la fermeture imminente de leur usine, les salariés de la multinationale Honeywell découvrent qu'ils travaillent encore dans un site qui n'a pas été entièrement désamianté. L'usine étant promise à la fermeture, le désamiantage n'aura pas lieu. © MAXPPP
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et Walid Berrissoul
Licenciés, les salariés de l'usine ont découvert qu'ils travaillaient dans un air contaminé.

Les salariés de l'usine de plaquettes de frein Honeywell, à Condé-sur-Noireau dans le Calvados, accumulent les déconvenues. Déjà condamnés à voir leur entreprise fermer en juin prochain, ils soupçonnent leur direction de les avoir laissé travailler dans un air contaminé à l'amiante. Avec le soutien d'élus locaux, ils se battent pour faire reconnaitre cette contamination par l'Etat.

L'entreprise "n'a jamais pris les mesures nécessaires"

"Les 323 salariés (déjà) condamnés à devenir chômeurs en 2013 continuent à respirer des fibres d'amiante", accusent les quelque 1.070 signataires d'une pétition lancée le 21 septembre, en assurant que l'usine de freins automobiles "n'a jamais pris les mesures nécessaires afin de décontaminer totalement le site".

Si le doute planait depuis des années, c'est la révélation en mai de présence d'amiante - à des niveaux jusqu'à trois fois supérieurs au maximum légal - qui a ravivé les soupçons, six mois après l'annonce de la fermeture de l'usine "déficitaire". La direction assure que ce dépassement n'a été que ponctuel.

"On a tous peur"

Lorsqu'elle a été embauchée en 2001, Rachel pensait que l'amiante appartenait au passé. Et puis il y a eu ces prélèvements au mois de mai. Dans certains endroits de l'usine, combinaisons et masques à oxygène sont de rigueur.

"Comme on le voit des fois dans des séries américaines quand il y a des virus ou je ne sais quoi : c'est un masque à ventilation et une combinaison. Et nous, à côté rien... Si on veut aller dans la zone, on a juste un petit masque et il ne faut pas qu'on y reste plus d'une heure", témoigne Rachel, avant d'ajouter : "on a tous peur. Qu'est-ce que sera dans 10 ou 20 ans ?"

Pour Didier Payen, délégué syndical et lui-même malade, il n'y a aucun doute : "ils vont avoir une maladie, obligatoirement de l'amiante. C'est clair, net et sans bavure. On a pris en otage la vie et la santé de ces personnes ce qui fait qu'on va se retrouver aujourd'hui avec le même scandale de l'amiante qu'il y a 20 ans . On a pas tiré de leçon de cette histoire".

Les élus montent au créneau

Comme le député PS Alain Tourret l'a fait à l'Assemblée nationale début septembre, les employés d'Honeywell demandent au ministre du Travail de reporter de 1997 à juin 2013 le terme de la période d'exposition des salariés de ce site, situé dans la vallée dite "de la mort", berceau de l'amiante qui y fait des ravages.

Ces deux dernières semaines, la ville de Condé-sur-Noireau (UMP), de Flers (PS), de Caen (PS) et le conseil régional (PS) ont voté des motions estimant que, même si depuis 1997 les freins d'Honeywell ne sont plus fabriqués avec l'amiante, les salariés restent en danger dans une usine mal dépolluée.

Cette reconnaissance permettrait aux 323 salariés de partir plus tôt en retraite, un tiers d'entre eux étant entrés à l'usine d'Honeywell après 1997. Et, au-delà, "tous les gens qui ont travaillé là, y compris les intérimaires", souligne Didier Payen, de la CGT de Condé.