Faut-il plus d'anglais à l'université ?

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Sophie Amsili , modifié à
ZOOM - Le projet de loi Fioraso prévoit d'étendre les cours en VO. Ses détracteurs crient au danger.

Atteinte à la langue française ou simple ouverture à l'international ? Les deux visions s'affrontent alors qu'une disposition du projet de loi Fioraso sur l'enseignement et la recherche prévoit d'élargir la possibilité pour les universités de dispenser des cours en langues étrangères, notamment en anglais. Le projet de loi modifie par ailleurs la gouvernance des facultés, élargit le rôle des régions dans la recherche et doit favoriser les bacheliers professionnels et technologiques. L'Assemblée nationale planchera dessus à partir de mercredi. Si les critiques portent notamment sur le manque de moyens fournis aux universités, les tensions se cristallisent surtout sur les cours en langues étrangères.

>> 3'CHRONO - Que propose la loi Fioraso pour réformer l’université ?

Ce qui prévoit le projet de loi. Le français "est la langue de l'enseignement" depuis la loi Toubon de 1994. Celle-ci prévoit des "exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers". L'article 2 du projet de loi Fioraso vise à élargir ces exceptions "dans le cadre d’accords avec des universités étrangères ou de programmes financés par l’Union européenne".

Objectif : attirer des étudiants et des professeurs étrangers. "Cela va concerner moins de 1% des cours !", assure la ministre de l'Enseignement supérieur Geneviève Fioraso dans un entretien au Nouvel Observateur.  "Il ne s’agira pas de rendre obligatoires les cursus en langue étrangère dans les universités, mais de les autoriser à le faire, dans un cadre bien précis, pour un public bien ciblé."  En particulier "beaucoup d’étudiants, notamment de Corée du Sud, d'Inde, de Chine, de Brésil et de Singapour aimeraient venir étudier en France, mais sont rebutés par le fait qu’il faille déjà parler français en arrivant", met en avant la ministre. Cette disposition doit aussi permettre " d’attirer des excellents professeurs étrangers".

24.05 Lors d'un examen à l'université. face partiels. agrégation. capes 930620

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"Sabordage", "cancer" et "autodestruction". Le rayonnement de la France ne doit pas passer par l'anglais, fustigent les détracteurs du projet de loi. Cette disposition "favorise une marginalisation de notre langue", dénonce l'Académie française qui demande d'y "renoncer". "Refusons le sabordage du français", enjoint de son côté Claude Hagège, professeur au Collège de France dans une tribune publiée dans Le Monde. Le linguiste y voit rien de moins qu'"un projet de loi porteur du cancer" et une "pulsion d'autodestruction" du gouvernement.

Du côté des politiques, la président du Front National Marine Le Pen est, elle aussi, montée au créneau, qualifiant le projet de loi de "très grave menace pour la langue française et la francophonie" dans un communiqué. La majorité est elle-même divisée : plusieurs élus socialistes, dont le député et secrétaire national à la francophonie au sein du PS Pouria Amirshahi, demandent le retrait de cette disposition qui risquent, selon eux, d'affaiblir la francophonie.

Déjà dans les grandes écoles. "Hypocrisie", réplique Geneviève Fioraso. "J’observe que beaucoup de ceux qui critiquent cette loi sont passés par des grandes écoles, qui mettent en place depuis longtemps un grand nombre cursus en langue anglaise", met en cause la ministre. "Ils parlent un anglais irréprochable et leurs enfants sont souvent dans le même cas. Je les trouve plutôt mal inspirés de dénier aux étudiants des universités le droit de bénéficier, s’ils le souhaitent, de cursus en anglais." Et de marteler qu'entre la "crispation" et l'"ouverture", la France a tout intérêt à choisir la deuxième voie : "on ne peut pas défendre la francophonie par la peur."