Et si une attaque au gaz sarin survenait en France…

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REPORTAGE - Un exercice de simulation d'attaque terroriste d'envergure s'est tenu mercredi dans le métro lyonnais.

 Lyon. Métro stade de Gerland, le 12 juin 2013. Les cris stridents d'une foule en panique se font entendre en surface, à l'entrée de la station. D'étranges hommes en combinaison descendent les escaliers qui mènent aux quais. A l'intérieur, une rame du métro lyonnais est à l'arrêt. Des corps gisent au sol, au pied des portes du train. Un IED, un engin explosif improvisé, vient d’exploser. La puissance du “blast“ est minime mais la bombe semble avoir répandu une substance chimique dans l’air.

Dans toutes les mémoires revient le souvenir des attentats de Madrid, Londres ou Tokyo. Sauf qu’ici… on simule : c’est un exercice NRBCe (nucléaire, radiologique, bactériologique, chimique et explosif), un faux attentat au gaz sarin, en conditions réelles. Les victimes ? 450 étudiants du coin. En surface, aux abords du stade de Gerland, 500 sauveteurs venus de quatre pays européens s’activent. Le but ? Tester l’ensemble des chaînes, organisationnelles comme de commandement, régionales et nationales ainsi que la mise en œuvre du Mécanisme Européen de Protection Civile. Retour sur un exercice sans précédents dans l'U.E, auquel Europe1.fr a pu assister.

Uneprise en charge adaptée des victimes. Le gros des secours se met en place quelques 20 minutes après l’explosion. Les pompiers équipés de combinaisons et de masques à gaz commencent à descendre dans la station ou les usagers du métro sont bloqués. Certains hurlent qu’ils veulent sortir. Tout autour, le périmètre est bloqué et une chaine de décontamination se constitue : les symptômes des victimes les plus lourdes laissent penser à une attaque au gaz sarin, un neurotoxique mortel récemment mis en lumière en Syrie. Les pompiers de la caserne de Gerland, premiers arrivés sur place, dressent un premier diagnostique à la sortie de stations sur le PRV, le point de rassemblement des victimes. Celles-ci sont divisées en trois catégories (la quatrième étant la mort) et orientées en fonction de leurs symptômes:

> Les asymptomatiques : ils ne semblent pas souffrir des effets de la substance chimique. Aspergés de poudre absorbante douchés et déshabillés, les secours leurs fournissent une combinaison pour se vêtir et les équipent d’un badge à puce électronique contenant toutes les informations relatives à leur profil. Ils sont ensuite dirigés, via la zone d’exclusion, vers un centre d’accueil et mis sous surveillance.  

Dans la zone d'exclusion :

> Les symptomatiques valides : ils souffrent de symptômes mais peuvent encore se déplacer par leurs propres moyens. Ils vont ensuite subir tout un circuit de décontamination dans une zone "controlée" par des sauveteurs équipés de masques à gaz et de combinaisons hermétiques. Poudrés puis déshabillés, ils passent dans un "tunnel" constitué d’une rangée de plusieurs camions de pompiers côte à côte équipés de brumisateurs d’eau. Ils sont ensuite dirigés vers des unités mobiles de décontamination des pompiers.

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© EUROPE1/MARC-ANTOINE BINDLER

Dans ces "algeco" d’un genre particulier, ils subissent tout un processus de décontamination assuré par des pompiers en combinaison et masque. Ce n’est qu’après cette étape que les victimes sont prises en charge dans les tentes des postes médicaux avancés (PMA). Examinés, ils vont recevoir les premiers soins et si besoin être injectés d’un antidote. Une fois traités, ils sont évacués de la zone vers une structure hospitalière.

> Les symptomatiques invalides : plus gravement atteints, il ne sont plus en mesure de se déplacer. Eux aussi sont poudrés et douchés sur place à l’aide d’une lance à incendie. Ils bénéficient d’un traitement médical directement dans la zone de rassemblement.

Quel intérêt à une telle manœuvre ? Cette simulation est organisée principalement par différentes instances régionales, nationales  et européennes : la préfecture du Rhône, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), qui dépend du ministère de l’Intérieur, et de la Commission européenne. Elle s’inscrit dans le cadre d’un exercice NRBCe organisé sur trois jours à Lyon. Aux unités françaises se greffent des équipes de protections civiles venues de quatre pays de l’U.E (Belgique, Espagne, Italie et Portugal). Une collaboration cruciale pour le colonel Bertrand Kaiser, directeur adjoint des pompiers sur le département du Rhône et maître d’œuvre de l’exercice.

Les explications du colonel Kaiser :

"Cela nous permet de comparer nos moyens, nos méthodes de travail et de transmettre la culture des uns au profit de la culture des autres de façon à ce que l’on gagne en cohérence", confie-t-il à Europe1.fr.

Pour Valls, "ce n'est pas un fantasme". Une vision que partage par Manuel Valls. Le ministre de l’Intérieur, venu assister à l’exercice, a salué "les moyens humains et techniques exceptionnels" mis en œuvre au cours d’une conférence de presse, aux côtés de son homologue espagnol. "L’objectif de cette mutualisation des forces est une solidarité  adaptées à toutes les crises. C’est la démonstration que l’Europe, c’est du concret. C’est très important pour l’idéal européen que nous défendons", a précisé le ministre.

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© EUROPE1/MARC-ANTOINE BINDLER

Cet exercice est-il pour autant légitime, à l’heure du terrorisme individuel ? "Le risque existe. Il a déjà été éprouvé", explique Manuel Valls. "Le rôle d’un ministre de l’Intérieur n’est pas de faire peur mais de prévenir et d’anticiper les risques. Nous savons que (ce type d’attaque chimique) n’est pas un fantasme", précise-t-il encore, "nous ne sommes pas dans (la série) 24 heures".