Essais nucléaires : "scandale innommable"

Deux dossiers d'indemnisation sur 129 validés par l'Etat : pour les vétérans des essais nucléaires français, c'est un scandale.
Deux dossiers d'indemnisation sur 129 validés par l'Etat : pour les vétérans des essais nucléaires français, c'est un scandale. © REUTERS
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avec François Coulon , modifié à
La France n’a indemnisé que deux personnes sur 129 dossiers. Les vétérans sont en colère.

L’Etat français peine à reconnaître les victimes des essais nucléaires auxquels elle a procédé pour mettre au point sa bombe atomique. Seules deux victimes d'irradiations se sont vu ouvrir le droit à des indemnisations. Elles étaient 129 à demander réparation, d’où l’indignation de l'association des vétérans des essais nucléaires (AVEN).

"Sur 129 dossiers déposés auprès de la commission d'indemnisation, il y a eu 127 refus", a regretté Michel Verger, le fondateur et président honoraire de l'AVEN, qui tient son assemblée générale samedi et dimanche à Lille.

"C’est un scandale innommable"

Une loi du 5 janvier 2010 devait pourtant clarifier les procédures d’indemnisation, laissant espérer de nombreux vétérans des essais nucléaires. Mais avec seulement deux dossiers acceptés, le compte n’y est pas.

"J’ai un cancer aux reins, neuf aux poumons, deux au cervelet et un sous l’épaule droite", témoigne sur Europe 1 Michel Giboureau, qui a passé 1.402 jours à Mururoa, où il a participé à trois campagnes d'essais nucléaires. Et ce dernier de préciser : "au niveau de notre association, c’est entre 20 et 25 vétérans qui meurent chaque mois".

La décision de l’Etat est donc "un scandale innommable" Michel Giboureau :

Essai nucléaire : "un scandale...par Europe1fr

"Cette loi était faite pour nous faire taire"

Cette fameuse loi d’indemnisation "nous a redonné espoir, mais son décret d'application de juin 2010 l'a totalement vidée de son sens, en déclarant que le lien de causalité entre les maladies dont souffrent les vétérans et les essais nucléaires était négligeable", renchérit Michel Verger, de l'AVEN.

Ainsi, suite aux modifications apportées par le décret d'application, seulement 260 dossiers de victimes, sur les 597 actuellement chez l'avocat de l'AVEN, peuvent désormais prétendre à une indemnisation.

"Cette loi était faite pour nous faire taire, nous donner un os à ronger. Le décret d'application nous a trahis, mais nous ne désarmerons pas. Le combat continue", déclare Arlette Dellac, secrétaire de l'association AVEN, en réclamant une modification de la loi par décret.

150.000 personnes potentiellement concernées

Selon l'AVEN, près de 150.000 personnes, militaires et civils, sont touchées par les conséquences des 210 essais nucléaires français, menés pendant 30 ans, principalement dans le Sahara et en Polynésie française. On enregistre, selon elle, une quarantaine de décès par an liés aux irradiations.