Entre police et officines privées, de "la porosité"

Selon l'ex-commandant de police, ces pratiques révèlent plus de "l'échange de services" entre anciens collègues.
Selon l'ex-commandant de police, ces pratiques révèlent plus de "l'échange de services" entre anciens collègues. © MAXPPP
  • Copié
avec Luc Evrard
L'affaire d'espionnage présumée chez Ikea met en lumière des dérives, affirme un ex-policier.

Les révélations du Canard Enchaîné sur l'utilisation présumée du fichier "Stic" de la police par l'entreprise par Ikea France moyennant de l'argent ont relancé le débat sur l'exploitation des données personnelles. Certains ex-policiers affirment que plusieurs entreprises y ont régulièrement recours. Comment fonctionne ce système de renseignement illégal ? Europe 1 a demandé l'avis de Philippe Pichon. C'est un ancien commandant de police qui a dénoncé publiquement l'utilisation de ce fichier et qui a été mis à la retraite suite à une sanction du ministère de l'Intérieur.

Qu'est ce que le fichier "Stic" ? Le "Système de traitement des infraction constatées" dit fichier "Stic" est une base de données qui est utilisée par la police. Ce fichier est régulièrement épinglé par la Cnil, la Commission nationale informatique et liberté, pour ses atteintes à la vie privée.

"Il concerne un Français sur deux. C'est un méga fichier policier informatisé dans lequel tous les renseignements sur les mises en cause des auteurs comme ceux des victimes sont rentrés par les services de police", précise Philippe Pichon au micro d'Europe 1. Pour ce ex- commandant de police, le problème de ce fichier est qu'il n'est pas toujours réactualisé. "Cela concerne toutes les infractions, qu'il s'agisse de crimes, de délits ou de contraventions de 5e classe. Il recense toutes les procédures judiciaires en cours. Et c'est le problème, car les décisions judiciaires devenues définitives ne sont pas systématiquement prises en compte", déplore-t-il. 

Comment des entreprises privées peuvent y avoir accès ? Pour cet ancien commandant de police, "il y a une porosité ordinaire entre les services de police et les boîtes de sécurité privées". Selon lui, on retrouve beaucoup d'anciens fonctionnaires de la police à la retraite dans les officines privées, soupçonnées d'informer certaines entreprises. "Imaginons qu'un commissaire de police soit retraité et qu'il travaille maintenant dans une de ces officines. Paul connaît Marcel qui est toujours dans la police nationale. C'est parfaitement légal de consulter ce fichier dans le cadre d'une enquête. Mais cela va continuer à se faire parce qu'ils ont des relations de confiance", raconte Philippe Pichon.

Cette pratique est-elle devenue un business ? Les officines privées mises en cause par Le Canard Enchaîné auraient accepté de fournir les informations sur les cartes grises, les permis de conduire, ou encore les factures téléphoniques de certains salariés en échange de 80 euros. Mais selon l'ex-commandant de police, ces pratiques révèlent plus de "l'échange de services" entre anciens collègues notamment que d'un véritable business. "Il ne faut pas confondre la violation du secret professionnel et la corruption. Les affaires de corruption sont quand même assez rares."Néanmoins, certifie Philippe Pichon, quelques "grands groupes pratiquent cela de façon permanente".