Des PV sans frontières, pas si simple

Une directive européenne sur l'échange d'informations en matière d'infractions routières entre en vigueur jeudi mais son application va être difficile.
Une directive européenne sur l'échange d'informations en matière d'infractions routières entre en vigueur jeudi mais son application va être difficile. © MAXPPP
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avec AFP et Aude Leroy , modifié à
Une directive européenne entre en vigueur jeudi mais son application va être difficile.

L'info. Des photos-radars qui terminent à la poubelle et des millions de PV impayés parce que la voiture en infraction n'est pas immatriculée en France. Jusqu'à aujourd'hui les conducteurs étrangers pouvaient conduire en toute impunité sur les routes française. Et vice-versa : les conducteurs français qui ne risquaient rien à l'étranger. Mais la situation change dès jeudi avec l'entrée en vigueur d'une directive européenne. Pour autant, les "chauffards sans frontières" ont encore le temps de voir venir avant que sa mise en application soit totalement effective.

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Un manque à gagner pour l'Etat. Chaque année en France, les automobilistes étrangers sont responsables de 21% des flashs des radars automatiques - même 25% en période estivale et jusqu'à 50% dans les zones frontalières pendant cette même période. Pourtant, ils ne représentent que 5% du trafic français. Conséquence, ce sont plus de 200 millions d'euros qui ne rentrent pas, chaque année, dans les caisses de l'Etat. Et les autres pays européens sont confrontés au même problème.

8 infractions et 25 pays concernés. Pour rattraper par le col de la chemise ces "chauffards sans frontières", l'Union européenne a pris une directive qui vise à faciliter "l'échange transfrontalier d'informations concernant les infractions en matière de sécurité routière". Concrètement, à partir de jeudi, chaque Etat aura accès sur demande au fichier d'immatriculation d'un autre pays, afin d'identifier l'auteur d'une infraction sur son sol et pouvoir lui envoyer directement un PV. Vingt-cinq États-membres de l'Union européenne sont concernés, l'Irlande, le Royaume-Uni et le Danemark ayant refusé d'y adhérer. Huit infractions sont visées : excès de vitesse, non-port de la ceinture de sécurité, franchissement d'un feu rouge, conduite en état d'ébriété et sous influence de drogues, non-port du casque, circulation sur une voie interdite et usage illicite d'un téléphone portable au volant.

Les Belges sont déjà verbalisés. Ce système de coopération est déjà en place entre la France et la Belgique. "Depuis un an, quand un conducteur belge est en infraction et remarqué par un radar automatique [en France], il reçoit directement dans sa boîte aux lettres une contravention. Ces PV sont payés à 70% et ceux qui ne les paient pas reçoivent une contravention forfaitaire majorée. Et s'ils ne paient toujours pas, la justice française peut engager des poursuites", prévient Frédéric Péchenard, le délégué interministériel à la sécurité routière, sur Europe 1. Le Luxembourg, la Suisse, et plus récemment les Pays-Bas et l'Espagne ont également déjà signé un accord avec la France.

Avec ce nouveau système, les conducteurs allemands, espagnols et italiens devraient donc être ceux qui recevront le plus de PV - avec 400.000 amendes pour les deux premiers et 370.000 pour l'Italie -, selon les calculs de  l'agence nationale de traitement automatisé des infractions, l'ANTAI, qu'a pu se procurer Europe 1.

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Des "réglages" nécessaires. Mais l'application totale de la directive pourrait prendre du temps. Certains "réglages" sont encore nécessaires, comme la traduction obligatoire des PV dans la langue du contrevenant. En France, les contraventions ont déjà été traduites en italien, en espagnol, en allemand ou en néerlandais. "Mais je ne sais pas, par exemple, si on va traduire en slovaque. C'est des coûts de traduction importants pour des volumes dérisoires", précise une source proche du ministère de l'Intérieur.

Autre difficulté, le recouvrement de l'amende, quand bien même un contrevenant aura été identifié grâce à la coopération de son pays de résidence. La responsable du service juridique de l'Automobile club association a ainsi vu défiler de nombreux automobilistes inquiets d'avoir été verbalisés en Suisse ou en Allemagne. "Bien souvent, ils prennent le risque de ne pas payer", explique Céline Kastner. Et dans la plupart des cas, en dehors de relances et de très rares convocations dans un commissariat français, le dossier en reste là. "Les policiers français nous disent qu'ils ont d'autres dossiers à gérer", glisse-t-elle.

Seul risque, pour l'instant, pour celui qui ne veut pas payer : être à nouveau contrôlé dans le pays où l'infraction a été commise et voir cette fois son véhicule immobilisé tant que les amendes n'auront pas été réglées. La directive européenne renvoie à une autre directive, qui prévoit théoriquement qu'un Etat puisse agir au nom d'un autre auprès d'un automobiliste récalcitrant qui n'aurait pas répondu aux relances. Mais le texte, "très contraignant" et qui ne concerne que les amendes supérieures à 70 euros, n'est "jamais mis en oeuvre", assure Me Rémy Josseaume, président de l'Automobile club des avocats.