Clearstream : un procès hors normes

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Le procès le plus attendu de la rentrée s'ouvre, ce lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris.

Un ancien Premier ministre sur le banc des prévenus face à un chef de l'Etat partie civile: le procès Clearstream, au scénario digne d’un film d’espions, débute ce lundi devant la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. La justice dispose d'un mois pour démêler le vrai du faux dans les quarante tomes de procédure judiciaire.

Les faits : des courriers et des listings bancaires adressés anonymement entre mai et octobre 2004 au juge Renaud van Ruymbeke, chargé de l'instruction sur des pots-de-vin liés à la vente des frégates à Taiwan en 1991. Un corbeau y accusait des personnalités industrielles et politiques, dont Nicolas Sarkozy, de détenir des comptes occultes à la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, par lesquels auraient transité les commissions indues du marché des frégates. Par la suite, on apprendra que le juge van Ruymbeke connaissait en fait l'expéditeur de ces courriers, Jean-Louis Gergorin, alors vice-président d'EADS.

Les prévenus : à l'issue de l'instruction pour "dénonciation calomnieuse, cinq prévenus ont été renvoyés en correctionnelle: Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud sont accusés d'avoir joué les faussaires. Un ex-auditeur d'Arthur Andersen, Florian Bourges, et un journaliste, Denis Robert, sont poursuivis pour avoir fourni à Imad Lahoud des listings comptables authentiques de Clearstream. Dominique de Villepin, enfin, est soupçonné d'avoir demandé à Jean-Louis Gergorin d'alerter la justice sur les listings alors qu'il les savait faux.

Les enjeux politiques : Le procès est lourd d'enjeux pour la droite. Se posant en victime, Nicolas Sarkozy attend que les coupables soient "pendus à un croc de boucher". Dans le box des accusés, Dominique de Villepin tentera, lui, de démontrer qu'il n'a rien à voir avec cette histoire. Une condition sine qua non pour ne pas voir sa carrière politique définitivement stoppée. L’ancien Premier ministre se présente en effet comme un challenger possible de Nicolas Sarkozy dans la perspective de 2012. S'il est reconnu coupable, il encourt jusqu'à cinq ans de prison et 45.000 euros d'amende pour "complicité de dénonciation calomnieuse et d'usage de faux, recel d'abus de confiance et recel de vol".

Le dispositif : A procès hors normes, dispositif exceptionnel. Une trentaine de gendarmes est affecté à la sécurité du procès. Une cinquantaine d'avocats, le même nombre de journalistes et des dizaines de curieux sont attendus jusqu’au 23 octobre. Comme lors des grands procès de l'Erika ou d'Yvan Colonna, une petite salle de presse a été construite dans la salle des Pas perdus. Est-ce la présence d'un président du côté des parties civiles ou d'un ancien Premier ministre sur le banc des prévenus qui en a changé l'apparence ? Pour l'occasion, le tribunal a en effet recouvert ses murs, d'habitude unis, de statues antiques en trompe-l'oeil.

Les témoins : Défileront à la barre le juge van Ruymbeke, l'ancien directeur des RG Yves Bertrand, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, l'ancien directeur de la DST Pierre Bousquet de Florian. Le témoin crucial est le général Philippe Rondot, l'un des premiers à avoir douté de la fiabilité des listings. Saisis au cours de l'enquête, ses carnets sont au centre de la procédure.