CFDT, FO et CGT : la "guerre syndicale" ?

"Il ya des divergences, mais il n’y a pas de guerre syndicale", a assuré Laurent Berger, leader de la CFDT, lundi dans une interview aux Echos.
"Il ya des divergences, mais il n’y a pas de guerre syndicale", a assuré Laurent Berger, leader de la CFDT, lundi dans une interview aux Echos. © Europe1.fr avec MaxPPP
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L’accord sur l'emploi semble creuser la fracture entre syndicats réformistes et radicaux.

"Il y a des divergences, mais il n’y a pas de guerre syndicale". Laurent Berger, leader de la CFDT, a tenté de relativiser lundi les tensions entre son propre syndicat, la CGT, et Force ouvrière, dans une interview aux Echos. Pourtant, le ton est bien monté d'un cran la semaine dernière. Vendredi,  le même Laurent Berger avait accusé la CGT de parfois avoir des "positions dogmatiques" dans ses négociations avec le patronat. "Positions dogmatiques" qui seraient directement responsable de la fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens nord. Simple "divergence" ? Les propos ont en tout cas suscité une vive indignation du côté de la CGT. Et Jean-Claude Mailly, leader de FO, a également exprimé son désaccord. Le divorce est-il vraiment consommé entre les alliés d'hier ? Éléments de réponse.

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• LE point de crispation. La fracture entre les syndicats se cristallise notamment autour de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, conclu à la mi-janvier. CFDT, CFTC et CFE-CGC ont accepté de signer avec le Medef, tandis que CGT et FO le rejettent en bloc. Bernard Thibault, leader de la CGT, a même annoncé dimanche que sa confédération préparait une action commune  avec FO. "On nous verra sans doute dans la rue dans les semaines qui viennent, avec Force ouvrière", a-t-il ainsi avancé. L'accord, qui prévoit notamment la possibilité pour une entreprise de baisser les salaires pendant deux ans en cas de difficulté économiques ou encore une simplification des procédures de licenciement, est jugé trop favorable au patronat par les deux syndicats.

• Qui joue à quel jeu ? "Désormais la CFDT apparaît comme l'organisation grâce à qui - ou à cause de qui - cet accord a été signé", décryptait vendredi Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du Travail. "Elle conforte sa position de pilote du réformisme en France", expliquait-il. En face, FO et CGT se trouvent au contraire dans un contexte qui les pousse à se radicaliser. Selon le spécialiste, le débat autour de l'accord permet ainsi à la CGT d'affirmer "une ligne très dure et de rester unie dans le cadre de la préparation de son Congrès" de mars. Congrès lors duquel Bernard Thibault va passer le témoin à Thierry Lepaon, après une longue crise de succession. D'un autre côté, FO est "tentée de concurrencer", aux élections professionnelles, une CGT "avec laquelle elle partage, notamment dans l'industrie, un public assez comparable", relève Dominique Andolfatto, chercheur en sciences politiques, spécialiste du syndicalisme. "Cela semble être la course à celui qui sera le plus radical pour gagner les élections", résume le chercheur.

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• Quelles sont les divergences de fond ? FO et CGT ne font d'ailleurs pas front commun sur tout. Jean-Claude Mailly a en effet exprimé vendredi son accord avec Laurent Berger pour critiquer le comportement de la CGT à l'usine PSA d'Aulnay. "Je ne suis pas d'accord avec ce qu'y fait la CGT. Il y a des menaces, y compris sur les délégués FO. C'est un comportement qui n'est pas normal", a dénoncé le responsable de FO. Et c'est entre la CGT et la CFDT que les tensions semblent les plus vives.  Dans son interview aux Echos de lundi, Laurent Berger se montre ainsi bien plus critique à l'égard de centrale de Bernard Thibault. "L’accord a mis en lumière les différences profondes d’approche du syndicalisme entre la CGT et la CFDT. La CGT dénonce mais ne s’engage pas et demande à l’Etat d’agir", tacle ainsi le leader de la CFDT. "Il n'y a pas de guerre syndicale, a-t-il toutefois nuancé. Sur les négociations en cours sur la qualité de vie au travail par exemple, nous menons un travail en intersyndicale avec les autres organisations."

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• Et sur le terrain, ça donne quoi ? Au niveau local, la réalité s'écarte parfois des tensions nationales. Ainsi chez PSA, la CFDT s'est associée à la grève, malgré les critiques de Laurent Berger, alors que FO, CFTC et CFE-CGC ont constitué une intersyndicale dénonçant les méthodes "inacceptables" de certains grévistes. A Renault, les syndicats sur chaque site appellent au cas par cas à des débrayages chaque semaine, en intersyndicale ou en solo. Du côté de Sanofi, la CFDT, en intersyndicale avec la CGT et Sud, multiplie les actions pour suspendre le plan de restructuration. A Florange, l'un des sites d'ArcelorMittal, les syndicats locaux CFDT, CGT et FO se battent aussi en intersyndicale depuis plus de 18 mois pour tenter de maintenir leur outil de travail. Et même si Laurent Berger a jugé "acceptable" l'accord passé fin novembre entre le gouvernement et ArcelorMittal, le meneur CFDT de Florange, Edouard Martin, n'a pas hésité à s'enchaîner aux fenêtres de Matignon le 23 janvier pour exprimer son total désaccord avec le plan.