Arche de Zoé : au Tchad, la colère et la peur

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ZOOM - Les enfants tchadiens victimes de l'organisation restent marqués par l'expédition.

Le 27 octobre 2007, ils devaient s'envoler depuis le Tchad pour la France et la promesse d'un avenir meilleur au sein d'une famille d'accueil. Problème, affublés de faux bandages, la plupart des 103 enfants pris en charge par l'ONG française l'Arche de Zoé n'étaient ni orphelins, ni originaires du Darfour. Le procès du président de l'organisation, Eric Breteau, et de cinq autres de ses membres s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont poursuivis pour escroquerie, exercice illégal de l'activité d'intermédiaire à l'adoption et aide à l'entrée et au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France.  

A quelques 7.000 kilomètres de l'île de la Cité, le Parisien et I-Télé ont pu retrouver certains de ses enfants et leur famille dans la région d'Adré, petite ville située à l'Est du Tchad, à la frontière avec le Soudan. Sur place, reste le souvenir amer de ces humanitaires français, cristallisé dans la colère, la peur et l'attente d'indemnités inexistantes.

"Quand je regarde mes fils, j'ai encore peur"

Aujourd'hui, les enfants ont retrouvé leur famille. La plupart sont scolarisés et suivent le cours de leur existence en grandissant auprès de leurs proches. Quand ils apprennent qu'un nouveau procès s'ouvre en France, ils ne confient qu'une seule volonté : "nous faisons confiance à la justice française pour qu'ils soient condamnés", relate le Parisien.

Les enfants de l'Arche de Zoé, 5 ans après, sur I-Télé

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Hamza, lui, avait huit ans. Ses parents l'ont confié à l'Arche de Zoé avec ses deux petits frères de 3 et 5 ans. L'association propose une école gratuite pendant cinq ans aux enfants des villages alentours. La confiance règne jusqu'à ce que les enfants soient transférés dans la ville d'Abéché, à 180 kilomètres de pistes, sans que les parents soient informés. "Quand je regarde mes fils, j'ai encore peur que des blancs viennent les emporter", confie au quotidien la mère d'Hamza. "A aucun moment, aucun moment, il n'a été question d'envoyer les enfants chez les blancs", explique un autre parent "d'orphelin".  

"Ils voulaient vous manger"

Hamza est aujourd'hui âgé de 13 ans et veut devenir ministre "pour aider (sa) famille". Il était l'un des plus vieux enfants de l'expédition avortée. Il en garde un souvenir très précis. "On nous a rien dit. On nous a posé des bandages et ils nous ont mis dans les voitures. Je voyais qu'on ne repartait pas pour Adré parce qu'on n'avait pas pris la même route", se rappelle-t-il.  

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Charfadine en était aussi. Lui se souvient des blancs, de parties de football, de repas composés de pâtes et de riz et du lait qu'il buvait le matin. Son frère aîné, Khamis, était également du "voyage". Il compte jusqu'à 10 en français. Puis il laisse éclater des sanglots quand il se remémore les retrouvailles avec  sa mère : "elle a dit qu'on nous amenait pour nous vendre, qu'ils voulaient nous manger".

Une indemnisation qui traîne

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Chez les pères,  le combat continue. La justice tchadienne avait condamné les six membres de l'Arche de Zoé à verser 4,12 milliards de francs CFA (6.3 millions d'euros) de dommages et intérêts aux familles. Elles n'en n'ont perçu qu'une infime partie versée par l'Etat tchadien : 450 millions de francs CFA ( 687.00 euros).  Nous avons attendu  très longtemps notre part d'indemnités, explique Arbab Abdallah. A 65 ans, ce père de 18 enfants représente les parents des "enfants volés".

"Depuis 2009, chaque année après la récolte, nous partons pour N'djamena (la capitale)  parce que nous n'avons pas l'intention de lâcher".  Réponse d'un haut fonctionnaire tchadien : "le Tchad attend toujours l'argent, il a donné sa part". Sous-entendu, la France doit payer. Elle affirme cependant ne rien devoir au Tchad.