AZF, un procès en dix actes

L'usine AZF, qui appartient à Total, a été littéralement soufflée par l'explosion, entendue ce 21 septembre 2001 à 80 km à la ronde.
L'usine AZF, qui appartient à Total, a été littéralement soufflée par l'explosion, entendue ce 21 septembre 2001 à 80 km à la ronde. © MaxPPP
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B.P. avec agences , modifié à
Retour sur les principaux faits du procès en appel de l'explosion de l'usine de Toulouse.

Le procès pénal en appel de l'explosion de l'usine AZF s'achève vendredi à Toulouse. Plus de dix ans après les faits, il devrait clore le chapitre sur la pire catastrophe industrielle française depuis 1945. 31 personnes sont mortes et des milliers d'autres blessées, le 21 septembre 2001 lors de l'explosion de l'usine.

3 novembre 2011, début du procès en appel. Deux ans après un premier procès qui s'était soldé par leur relaxe au bénéfice du doute, Grande Paroisse (groupe Total) et Serge Biechlin, le directeur de l'usine, sont de retour au tribunal, poursuivis pour homicides involontaires par manquement à une obligation de sécurité. Plusieurs des 2.700 parties civiles demandent que soient jugés Total et son ancien président Thierry Desmarest, refusant de s'en tenir aux "lampistes".

13 décembre, la piste d'une explosion voisine. Passionné par l'affaire, un professeur de mathématique vient exposer sa thèse à la barre. Selon lui, il y aurait eu une première explosion à la SNPE, une usine voisine d'AZF qui fabrique notamment le carburant de la fusée Ariane. Ce témoignage à rebours des thèses de la défense et de l'accusation est critiqué par les avocats. "Je ne suis pas un avocat de Grande Paroisse (propriétaire d'AZF), j'ai cherché sincèrement, j'ai pu dialoguer avec des personnes d'AZF. Mais les portes de la SNPE me sont restées fermées", a déclaré Jean-Marie Arnaudies.

20 décembre, retour sur la piste criminelle. Invité à la barre, le juge antiterroriste de l'époque Jean-Louis Bruguière estime que "la piste criminelle n'a pas été suffisamment explorée". Il a dénoncé à la barre les "lacunes et les négligences" qui ont entouré selon lui l'enquête et l'instruction de l'affaire.

3 janvier, retour sur l'accident chimique. A mi-procès, les débats se recentrent sur l'examen de l'accident chimique, une thèse soutenue par l'accusation mais exclue par la défense de Grande Paroisse et de Serge Biechlin, l'ancien directeur du site. Mais l'absence de preuve matérielle fait tourner les débats en batailles d'experts scientifiques.

19 janvier, audition d'un témoin-clé. Gilles Fauré est entendu sur le contenu de la benne qu'il a déversé sur le tas de nitrate d'ammonium qui a explosé. Le chauffeur réfute la présence de produit chloré dans sa benne. Elle ne contenait selon lui qu'un sac déchiré de nitrate d'ammonium de 150 kg. Les experts judiciaires estiment que c'est le mélange malencontreux de ce nitrate d'ammonium avec un produit chloré pour piscine qui aurait provoqué l'explosion des 300 tonnes de nitrate.

7 février, Thierry Desmarets se défend. L'ancien PDG du groupe Total se présente au tribunal pour se défendre des accusations portées à son encontre. Plusieurs associations de victimes, parties civiles au procès, estiment que la commission d'enquête interne a "entravé l'enquête" policière et judiciaire. "J'ai été choqué par ces commentaires, je pense que les équipes de la CEI avaient le sens des responsabilités, ces critiques ne sont absolument pas fondées", proteste Thierry Desmarest, qui se déclare au passage "très marqué par la catastrophe".

21 février, la défense est absente. Les avocats de la défense ont boycotté l'audience du procès, pour manifester contre "une insulte absolument incroyable" d'un conseiller assesseur qui leur "a fait un geste avec la main signifiant 'La ferme !'". La défense venait de protester contre le report du réquisitoire de l'avocat général au 8 mars, date à laquelle Daniel Soulez Larivière (chef de file de la défense) ne peut être présent car il doit être à l'ouverture du procès en appel du Concorde. Malgré leur souhait, le magistrat ne sera pas récusé.

29 février, nouvelle explosion en 2011. Dix ans après l'explosion meurtrière, une nouvelle s'est produite selon un communiqué. Cette information "était inconnue jusqu'alors, aussi bien du public que de la défense", note l'avocat de la défense en soulignant que cette dernière "fait un rapprochement évident avec l'explosion du hangar 221 d'AZF dont les causes restent inconnues à ce jour". L'explosion "spontanée" de 2011 aurait été provoquée par "la nitrocellulose, explosif d'avant guerre, décomposé avec le temps, et enfoui dans le sol".

9 mars, un réquisitoire sévère. Lors de son réquisitoire, l'avocat général a contesté la décision de relaxe prise en première instance faute de preuve matérielle. Il estime que des négligences, dont sont responsables Grande Paroisse et Serge Biechlin, ont permis la rencontre des deux produits incompatibles qui ont conduit à l'explosion. Il réclame 225.000 euros d'amende pour Grande Paroisse, et 18 mois de prison avec sursis assortis à 15.000 euros d'amende contre Serge Biechlin.

16 mars, mise en délibéré. Au lendemain des dernières plaidoiries de la défense, qui réclame toujours la relaxe en l'absence de preuve de l'accident chimique, la cour va examiner vendredi les dernières demandes d'indemnisation en audience civile, avant de mettre sa décision en délibéré, probablement jusqu'en septembre. La défense ne cache pas ses doutes sur l'impartialité de la cour et menace de porter l'affaire en cassation.