AF 447 : le BEA sous le feu des critiques

Le principal syndicat suspend sa participation à l'enquête sur le crash du Rio-Parispour protester contre l'attitude du BEA.
Le principal syndicat suspend sa participation à l'enquête sur le crash du Rio-Parispour protester contre l'attitude du BEA. © MAXPPP
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et Luc Evrard, avec Reuters , modifié à
Après son dernier rapport sur le crash, les familles de victimes et les pilotes sont en colère.

Le Bureau d’enquête et d’analyse (BEA) est pris pour cible mercredi. Les familles de victimes de la catastrophe du vol Rio-Paris et le syndicat des pilotes de ligne sont en colère après la publication du dernier rapport pour expliquer l’accident qui a coûté la vie à 228 personnes. Selon des informations parues dans la presse, le rapport publié vendredi dernier aurait été amputé d'une recommandation sur l'alarme de décrochage.

Manque "d’objectivité" et "affirmations très orientées"

L'association Entraide et Solidarité AF447, représentant les familles, parle d’un "triste épisode". Pour elle, cela jette définitivement le discrédit sur l'investigation technique" et "génère une crise de confiance sans précédent envers les autorités d'enquêtes". L’accusation portée sur les pilotes "précipitée" et "sans aucune réflexion préalable avait alerté notre suspicion", a-t-elle précisé avant d’assurer avoir "confirmation que les affirmations émanant de la tutelle du BEA étaient prématurées, dépourvues d’objectivité, partiales et très orientées vers la défense d’Airbus".

De son côté, le syndicat des pilotes de ligne, le SNPL, a exigé des explications sur ces "graves révélations". Il a affirmé que ces révélations ont "sérieusement entamé" sa confiance envers le Bureau d'enquêtes et d'analyses, avant de demander "à son enquêteur de suspendre sa participation aux travaux" de l'organisme, chargé de l'enquête technique sur le drame.

Louis Jobard, le porte-parole du syndicat, a assuré mercredi sur Europe 1 que jusqu'à présent le SNPL "n'a jamais réagi aux rumeurs" car il avait "accordé notre confiance au BEA".

Maintenant "notre confiance est sérieusement entamée" :

Les pilotes "n'entendent pas fuir leurs responsabilités mais ils n'accepteront pas que cette enquête se transforme en une simple instruction à charge contre l'équipage", écrit par ailleurs le SNPL dans un communiqué. Et Louis Jobard d’ajouter que "le SNPL exige du BEA des réponses à au moins deux questions : pourquoi avoir ignoré dans le rapport officiel la recommandation concernant cette alarme ? Y aurait-il d'autres modifications, ajouts ou suppressions du texte qui auraient été apportés à ce rapport ?".

La recommandation doit être complétée

En réponse à ces critiques, le directeur du Bureau d'enquête et d'analyse a assuré, sur Europe 1, avoir "jugé que cette recommandation était prématurée". Et de préciser : "si nos enquêteurs découvrent qu'il y a un problème, ils doivent analyser le problème dans le cadre de l’enquête. C’est lorsque cette analyse est terminée qu'on peut publier une recommandation. On ne publie pas de recommandation tant que le problème n’a pas été suffisamment analysé dans le cadre de l’enquête. C’est ce qui s’est passé".

Jean-Paul Troadec a également assuré que le BEA était "indépendant de ces grands forces en présence, que ce soit le constructeur, les compagnies aériennes mais également le gouvernement. Le BEA mène ses enquêtes d'une façon indépendante et ne reçoit aucune instruction. Ceci a toujours été parfaitement respecté. Le directeur de l'enquête et moi-même serions les premiers à dénoncer des pressions". Et de conclure : nous cherchons la vérité au profit de la sécurité. Ceux à qui nous pensons d'abord ce sont les passagers".

Pour sa part, le ministre des Transports a défendu sur Europe 1 le bureau d’enquête. "Jamais il n'y a eu une enquête aussi transparente et exemplaire", a assuré Thierry Mariani.

Le BEA a reconnu dans son rapport le rôle probable de l'alarme de décrochage dans la confusion de l'équipage car elle n'a cessé de s'activer, y compris quand le pilote effectuait la bonne manœuvre, ou de se désactiver pendant la chute de l'appareil. Il a expliqué qu'elle est programmée pour se désactiver lorsque l'angle de l'avion est trop important, même si l'appareil est en situation de décrochage. Pour autant, le document, assorti de dix recommandations, n'en contient de fait aucune relative à cette alarme.

Air France a adressé un courrier à l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) pour demander que cette question soit rapidement réexaminée.