21 ans après le meurtre d'une étudiante, un gendarme dans le box des accusés

procès Lylian Legrand Stéphanie Fauviaux
Un gendarme, Lylian Legrand, est soupçonné d'avoir tué une jeune étudiante en 1995 © DENIS CHARLET / AFP
  • Copié
C.P.
Un gendarme est jugé depuis ce lundi et pendant toute la semaine devant la Cour d’assises de Douai pour le meurtre de Stéphanie Fauviaux en 1995. Il nie les faits.

24 mai 1995, dans un petit appartement en plein centre de Lille. Une étudiante de 18 ans, Stéphanie Fauviaux, est découverte morte, dans sa salle de bains par sa colocataire, Karine. La jeune femme, vêtue d’un simple peignoir largement ouvert, a été étranglée et poussée dans un bain bouillant. Outre les multiples brûlures, l’autopsie révèle un traumatisme crânien et des ecchymoses dans l’intérieur des cuisses, mais pas de trace de viol.

Pendant des années, les policiers trébuchent sur l’enquête. Stéphanie a-t-elle été victime d’une tentative de viol ? Ou d’un cambriolage qui a mal tourné, sa carte bleue et une bague ayant été dérobées ? Et comment expliquer les traces d’héroïne dans son sang mais qui n’apparaissent pas dans l’analyse de ses cheveux ? Surtout, à qui appartient ce poil pubien découvert sur le corps de la victime? Pendant 17 ans, cinq juges d’instruction, plusieurs dizaines d’enquêteurs et d’experts se sont heurtés à cette question. Jusqu’à ce qu’une nouvelle équipe effectue, en 2012, de nouveaux prélèvements ADN sur cet indice.

Lylian Legrand plaide non-coupable.  21 ans après le meurtre, Lylian Legrand, 45 ans, comparaît depuis ce lundi dans le box des accusés. Les analyses ADN l’ont confondu. Le poil est le sien. Son nom était apparu dans l’enquête dès le premier jour, mais au rang de simple témoin. A l’époque, il sortait avec la sœur de la colocataire de Stéphanie Fauviaux – ils se sont depuis mariés - et était présent lorsqu’elle a découvert le corps. Son témoignage avait été consciencieusement consigné mais rien n’indiquait alors qu’il soit impliqué d’une manière ou d’une autre.

"Je conteste les faits de meurtre et de tentative de viol", a-t-il déclaré ce lundi, vêtu d’une élégante chemise blanche, les cheveux dégarnis et le teint diaphane. Depuis son arrestation, en 2012, ses versions ont varié à de multiples reprises. Il a d’abord indiqué avoir eu un rapport sexuel avec Stéphanie Fauviaux, mais assure que celle-ci est décédée en tombant accidentellement. Paniqué, il l'aurait étranglée puis volé sa carte bancaire pour simuler une agression. Un mois plus tard, il abandonne cette version. Il confie désormais avoir eu un rapport sexuel avec la victime, mais qu'elle était en vie lorsqu'il l'avait quittée. D'après lui, ses premières déclarations, étaient le résultat de "pressions des enquêteurs".

"J’étais derrière les bureaux". Pourtant, les méthodes des enquêteurs, Lylian Legrand devrait y être rompu. Il est entré dans la gendarmerie en 1996 en tant qu’informaticien après un BTS électrotechnique. Il a grimpé dans la hiérarchie jusqu’à devenir adjudant à la gendarmerie de Nice et a toujours été bien noté. "J’ai été décoré pour avoir interpellé un pédophile devant Notre-Dame-de-Paris, alors que je me promenais avec ma femme et mes enfants. L’homme se masturbait devant une petite fille", raconte-t-il à l’audience. "Etiez-vous un enquêteur de terrain ou derrière les bureaux ?", l’interroge son avocat, Me Eric Dupond-Moretti. "J'étais derrière les bureaux", affirme-t-il, laissant entendre, comme il l'avait fait lors de l'enquête, qu'il était peu au fait des méthodes d'interrogatoire.

Cette première journée était consacrée à l’étude de la personnalité du principal accusé. Fils d'un père électricien et d'une mère au foyer, Lylian Legrand a eu "une enfance heureuse" au sein d'une famille "unie". Le vernis se craquelle lorsqu’il est question de sa vie sentimentale. Marié à Sandrine, la sœur de la colocataire de Stéphanie Fauviaux, et père de deux enfants, il est présenté comme un "bon père de famille", "attentionné" et "serviable", mais également comme un homme "infidèle" et parfois "manipulateur". Karine, sa belle-sœur, affirme qu’il a tenté de l’embrasser lorsqu’elle avait 16 ans et qu’elle l’a déjà retrouvé nu dans son lit.

"Aucune fille qui l'a fréquenté ne fait état de violence", souligne néanmoins l'enquête de personnalité. Mais certains éléments interpellent. Comme ce SMS envoyé à Nathalie, une femme rencontrée sur Internet en 2011 avec laquelle il noue une relation. Citée comme témoin, elle décrit un "homme gentil". Pourquoi alors lui avoir envoyé en octobre 2012 un message lui demandant "As-tu déjà tué quelqu’un ?" ? Le texto était resté sans réponse. Quelques semaines plus tard, alors qu’il se trouve en garde à vue, Lylian Legrand a écrit à sa femme ce qui pourrait constituer un début de réponse à sa maîtresse. "Si tu savais à quel point je le regrette, maintenant tu sais d'où viennent mes insomnies."

Le procès doit se poursuivre toute la semaine. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité.