Cédric Villani : "Les risques liés à l’intelligence artificielle sont les mêmes qu'avec n’importe quelle nouvelle technologie"

Député LREM, le mathématicien Cédric Villani est chargé d'une mission sur l'intelligence artificielle.
Député LREM, le mathématicien Cédric Villani est chargé d'une mission sur l'intelligence artificielle. © Europe 1.
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A.D
Chargé d'une mission sur l'intelligence artificielle, le mathématicien voit deux risques liés à cette technologie : les conséquences sur l'emploi et une utilisation humaine malveillante.
INTERVIEW

Récompensé de la médaille Fields en 2010, l'équivalent du prix Nobel en mathématiques, le mathématicien et député LREM Cédric Villani a été choisi par Edouard Philippe pour remplir une mission sur l'intelligence artificielle. Invité dimanche dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, il ne s'est pas départi de la tenue qui le caractérise depuis 25 ans  - chemise à jabot, broche araignée et montre à gousset - mais a démythifié l'image de science-fiction qui va souvent de pair avec l'intelligence artificielle (IA).

"Faire confiance à l'Humanité". Dans l'imaginaire collectif, à tort ou à raison, l'intelligence artificielle fait peur, notamment quand on envisage qu'elle pourrait prendre le contrôle sur l'humain. Mais Cédric Villani n'est pas de cet avis. "La question est de bien garder en tête qui doit être au service de qui : la technologie et l’intelligence artificielle au service de l’Humanité et pas le contraire. Dans les peurs, il y en a qui relèvent de la science-fiction mais qui, pour l’instant, n’ont pas lieu d’être", juge-t-il.

"Avant qu’une intelligence artificielle décide de prendre le contrôle de l’Humanité, il va s’écouler des siècles sans doute... si ça arrive un jour", nuance-t-il. "Personne n’en sait rien et on peut faire confiance à l’Humanité pour avoir, avant que ça se passe, réfléchi à la façon d’empêcher que ça puisse se faire." D'ailleurs, pour l'heure, souligne le spécialiste, "on demande à l’IA des choses ciblées. On ne devrait même pas appeler ça intelligence, c’est de l’algorithmie sophistiquée."

"Le risque humain". Pour le mathématicien, "les risques liés à l’intelligence artificielle sont les mêmes qu'avec n’importe quelle nouvelle technologie : disparition d’emplois, une crise sociale à cause de la robotisation." Un phénomène déjà vu à de plusieurs reprises au cours de l'Histoire. "Il y a aussi le risque d’humains malveillants ou maladroits, utilisant ses outils avec des conséquences ne correspondant pas au bien public. Toute nouvelle technologie vient avec des nouveaux pouvoirs. En soi, elle n’est ni bonne ni mauvaise. C’est le rôle de la société d’interdire les bonnes et de permettre les mauvaises." 

" Avant qu’une intelligence artificielle décide de prendre le contrôle de l’Humanité, il va s’écouler des siècles sans doute... si ça arrive un jour "

Le cas des Gafa. En se penchant sur les Gafa, (les géants du web Google, Apple, Facebook, Amazon), ce qui ressemble pour lui le plus à un scénario de fragilité, "ce n’est pas tant Google que Facebook, animant un réseau social phénoménalement développé et avec une conscience politique claire de Mark Zuckerberg (le fondateur du réseau social, ndlr). C’est un débat outre-Atlantique pour savoir si cela serait une chose bonne ou catastrophique qu’il devienne président des Etats-Unis avec une collusion possible entre sphères économique, politique et médiatique qui serait unique en son genre."

Cédric Villani assure que Facebook serait en mesure "d’influer sur une élection en filtrant les messages ou en donnant à voir les messages qui conviennent en fonction de leurs orientations politiques. Il y a là une fragilité de notre société et de la démocratie avec autant de pouvoir effectif concentré dans quelques opérateurs."

Investissements. Du côté des investissements sur le sujet, l'Europe est d'ailleurs en retard, assure-t-il face à des "investissements phénoménaux" américain et chinois. "Les investissements à faire pour l’Europe pour se mettre à niveau doivent se compter en dizaines de milliards. Le milliard d’euros mis sur la table par la commission européenne pour une infrastructure de super-calcul, c’est un petit pas."