Sida : ces rares cas de rémission sans traitement à vie

Ce type de rémission, appelé "rémission fonctionnelle", est l'une des principales pistes de recherche dans la lutte contre le sida.
Ce type de rémission, appelé "rémission fonctionnelle", est l'une des principales pistes de recherche dans la lutte contre le sida. © capture d'écran de la campagne 2017 du Sidaction
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T.M. avec AFP
Une étude publiée lundi évoque un cas de rémission sans traitement à vie d'une fillette séropositive, le troisième observé chez un enfant. Un cas rare, mais qui renforce les espoirs des chercheurs.

Elle est née séropositive. Depuis presque neuf ans, elle vit pourtant en bonne santé, sans médicaments, après avoir simplement pris un traitement durant ses premiers mois d'existence. Le cas d'une fillette sud-africaine, présenté à la conférence internationale de recherche sur le sida à Paris, est seulement le troisième cas de rémission sans traitement à vie jamais observé chez un enfant, souligne une étude publiée lundi.

Son traitement délibérément stoppé. À partir de l'âge de deux mois, cette petite fille a été placée sous traitements antirétroviraux, qui empêchent le développement du virus du sida. Au bout de dix mois, le traitement a été délibérément stoppé dans le cadre de l'étude, alors que le virus avait été réduit à un niveau indétectable.

Rémission, pas guérison. Ce type de rémission, appelé "rémission fonctionnelle", est l'une des principales pistes de recherche dans la lutte contre le sida. Il ne s'agit pas d'une guérison, car le VIH est toujours présent. Mais il est si affaibli qu'il ne peut ni se multiplier ni se transmettre à une autre personne, même en l'absence de traitement. Normalement, il faut suivre un traitement quotidien à vie pour parvenir à ces effets.

Deux précédents chez les enfants. Les rémissions sont rares. L'exemple emblématique est celui des 14 adultes d'une étude française appelée Visconti (2013). Chez les enfants, il y a deux précédents. En 2015, une étude relatait le cas d'une Française née séropositive en 1996. Mise sous antirétroviraux à trois mois, elle avait arrêté le traitement vers six ans. Elle en a aujourd'hui 20, ses derniers contrôles datent d'avril et le virus est toujours en sommeil 14 ans après l'arrêt du traitement, se félicite Asier Saez-Cirion, qui a supervisé son cas.

Le premier exemple de ce genre chez un enfant avait fait grand bruit en 2013. Une petite fille américaine, surnommée le "Mississippi baby", était en rémission après avoir été traitée jusqu'à ses 18 mois. Mais le virus est finalement réapparu au bout de deux ans, douchant les espoirs des chercheurs.

Mystérieux et prometteur. Le cas de la Sud-Africaine "renforce nos espoirs de pouvoir un jour épargner aux enfants séropositifs le fardeau d'un traitement à vie, en les traitant pour une courte période dès leur plus jeune âge", commente Anthony Fauci, directeur de l'Institut américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), à l'origine de l'étude. "Une rechute est toujours possible, comme dans toute rémission. (Mais) le fait que cette rémission se soit étendue sur une si longue période laisse penser qu'elle peut être durable", explique une autre des auteurs de l'étude, le docteur Avy Violari, de l'université de Witwatersrand à Johannesburg.

Éradiquer le virus du corps d'un malade est aujourd'hui impossible : les chercheurs butent sur sa capacité à se dissimuler dans certaines cellules pour former des réservoirs viraux qui se réactivent si on arrête le traitement.

Une piste pour les chercheurs. Les antirétroviraux, médicaments apparus dans les années 1990, ont révolutionné la vie des séropositifs. Mais ils présentent des effets indésirables (diarrhées, nausées...) et traiter à vie des millions de patients coûte cher. D'où l'intérêt de travailler sur les pistes de rémission sans traitement à vie, en administrant des médicaments à un stade précoce de l'infection et pendant une durée limitée.

"Nous essayons de comprendre pourquoi certains patients arrivent à contrôler l'infection au VIH et comment faire pour que tout le monde y parvienne", explique Asier Saez-Cirion, chercheur à l'institut Pasteur à Paris. Objectif : "Trouver les facteurs, notamment génétiques, qui favorisent ce contrôle, afin d'induire ce type de mécanismes pour guérir le sida ou élaborer un vaccin."

L'autre exemple des "contrôleurs naturels"

Certains patients, rarissimes (moins de 1%), peuvent même empêcher le VIH de se développer sans jamais avoir pris de traitement, pour des raisons encore mystérieuses. Appelés "contrôleurs naturels", ils seraient entre 500 et 800 en France à avoir cette capacité.