Grippe : le nombre de victimes devrait exploser dans les maisons de retraite

La plupart des personnels des maisons de retraite est réticente à se faire vacciner contre la grippe.
La plupart des personnels des maisons de retraite est réticente à se faire vacciner contre la grippe. © AFP
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Mélanie Gomez et A.D , modifié à
Les personnes âgées font partie des populations les plus touchées par le virus. Pour limiter la contagion, les personnels soignants devraient se faire vacciner mais ils sont réticents.
L'ENQUÊTE DU 8H

Alerte rouge à la grippe dans les maisons de retraite après l'annonce de la mort de 13 résidents dans un Ehpad à Lyon entre fin décembre et début janvier. Pour éclaircir les circonstances de ces multiples décès dans un seul établissement, une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) diligentée par la ministre de la Santé est en cours. Mais alors que l'épidémie de grippe, qui touche notamment les personnes très âgées, n'a pas encore atteint son pic, Europe 1 a enquêté pour savoir si l'on devait s'attendre à des décès en série dans les maisons de retraite.

Lourd bilan à prévoir. Actuellement, maisons de retraite et Ehpad, c'est-à-dire les établissement accueillant les personnes âgées dépendantes, sont sur le pied-de-guerre à cause de la grippe. Les chiffres officiels le confirment : rien que la semaine dernière, il y a eu 169 foyers d'infections respiratoires signalés aux autorités, parmi lesquels beaucoup de foyers de grippe, mais aussi des bronchites. Le chiffre est élevé mais reste du même ordre que celui d'il y a 2 ans, où le même virus, H3N2, avait majoritairement circulé. Comme il y a deux ans, on devrait avoir une surmortalité dans la population âgée, donc dans les maisons de retraite. Le bilan devrait être lourd selon le virologue Bruno Lina : "La fourchette classique d'une épidémie de grippe, c'est entre 3.000 et 6.000 décès. Lorsque l'on a affaire à un virus H3N2, on peut avoir des phénomènes de surmortalité. Là, la réalité se situera entre 6.000 et 10.000 décès."

Les résidents des Ehpad majoritairement vaccinés. Le nombre est impressionnant mais c'est toutefois moins que les 18.000 morts d'il y a deux ans, car cet hiver la grande différence, c'est que le vaccin, même s'il ne protège pas à 100% les personnes très âgées, correspond bien au virus circulant. Question vaccination, après avoir appelé une dizaine d'Ehpad, ce qui ressort est que la majorité des résidents sont vaccinés, jusqu'à 95% parfois. Les établissements n'ont pas attendu le début de l'épidémie pour le faire. La campagne de vaccination a été lancée début octobre, et la plupart des maisons de retraite s'y sont mises tout de suite. Au plus tard, fin novembre tous les patients qui le souhaitaient, étaient vaccinés. La situation dans l'Ehpad de Lyon où un peu moins de 50% des résidents étaient vaccinés à la fin décembre est exceptionnelle. Plusieurs spécialistes s'accordent sur ce dernier chiffre : c'est "trop peu et trop tard".

Le problème des soignants. Malgré la vaccination dans les Ehpad, on constate beaucoup de cas de grippe. La propagation de la maladie aurait pu être limitée en empêchant les virus grippaux d'entrer. Et pour ça, le meilleur moyen, c'est de vacciner les soignants. Le problème c'est que ces dernières années, ils sont de plus en plus réticents. En moyenne, la moitié, des infirmières et des aide-soignants sont récalcitrants.

C'est une inquiétude de tous les jours pour Philippe Duboé, directeur général de l'association Saint-Joseph qui gère cinq maisons de retraite dans les Pyrénées-Atlantiques : "Depuis la grippe H1N1, le personnel qui se vaccinait atteignait une hauteur de 70 à 80% dans nos maisons, aujourd'hui, on a un taux de vaccination autour de 10 à 15%. On essaie de convaincre, on montre l'exemple nous-même, mais on ne peut pas obliger les gens à se vacciner s'ils ne le souhaitent pas." L'enjeu aujourd'hui est donc d'arriver à convaincre les personnels soignants de se faire vacciner. Pour que cela soit efficace, il faudrait qu'au moins 75% d'entre eux passent le pas.