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Pauline Rouquette , modifié à
L'une a perdu sa mère, l'autre sa femme. Aude Petitpas, infirmière au CHU de Reims, et son père, Lionel Petitpas, ont témoigné dimanche soir sur Europe 1. Deux témoignages croisés avec pour point commun, le deuil. Tous deux ont manifesté leur colère face au manque de matériel dans les hôpitaux, mais aussi leur refus de laisser tomber les victimes du coronavirus dans l'oubli.
TÉMOIGNAGE

"J’ai ces deux drames qui me touchent : la perte de ma maman, et le quotidien au travail". Aude Petitpas, infirmière au CHU de Reims, était l'invitée d'Europe 1 dimanche soir, aux côtés de son père, Lionel Petitpas. Tous deux partagent le même deuil : leur mère, et épouse, est décédée brutalement du coronavirus le 29 mars dernier. "J’ai accompagné mon épouse à l’ambulance, elle m’a fait un petit coucou de la main, et je ne l’ai plus jamais revue", témoigne quant à lui Lionel Petitpas.

Au micro d'Europe 1, père et fille ont raconté leur combat et leur colère. Un combat pour que les personnes décédées du Covid-19 ne tombent pas dans l'oubli, et une colère face au manque de matériel auquel font face les personnels soignants.

"Il va falloir que les choses bougent"

"Le problème de matériel ne s’arrange pas, voire il empire", dénonce Aude Petitpas. Si celle-ci n'est pas intégrée à un service Covid en raison de soucis de santé, le service classique dans lequel elle travaille fait lui aussi face à un manque de matériel flagrant. "On reçoit des patients non-Covid qui transitent par les urgences et peuvent aussi être contaminés", explique-t-elle. "Aujourd'hui, on accueille les patients avec des masques périmés", poursuit l'infirmière, manifestant sa crainte de voir les soignants répandre eux-mêmes la pandémie. "On travaille avec les moyens du bord, on vient d'apprendre que nos sur-blouses à usage unique allaient être relavées pour servir de nouveau", s'offusque-t-elle.

Face au manque criant de matériel et face à certains comportement allant à l'encontre des mesures de confinement, Aude Petitpas s'emporte : "je ressens de la colère vis-à-vis de ce peuple qui ne se rend pas compte de ce qui arrive", lance-t-elle. "Mais je pense que de plus en plus de gens vont être touchés par des décès, de proches, d'amis, on va tous être touchés et il va falloir que les choses bougent".

Une pétition pour rendre hommage aux morts

Son  père, lui, se dit particulièrement en colère contre les responsables politiques français. "Du président au Premier ministre, en passant par Agnès Buzyn qui était confrontée à cette crise, qui a quitté son ministère pour des raisons électoralistes, et qui ensuite, fait une interview en précisant qu'elle savait", dénonce Lionel Petitpas. "Tous savaient, et personne n'a rien fait. C’est incroyable ce que je peux leur en vouloir".

Sa colère et sa douleur, Lionel Petitpas dit les avoir transformées en combat. Un combat pour que sa femme, et toutes les personnes mourant du coronavirus ne soient jamais oubliées. "Mon épouse a toujours été un numéro dans sa vie, et lors de son décès, elle est devenue une quantité", déplore-t-il. "Tous ces morts sont des anonymes, on ne connait pas leur nom et leur prénom, et l'on ne sait pas qu'ils sont morts du Covid".

Afin que ces morts ne demeurent pas des inconnus, Lionel Petitpas a l'intention d’interpeller les hommes politiques pour que soient installées dans les communes, des stèles ou des plaques en hommage aux victimes, sur lesquelles figureraient leurs nom et prénom. "À la sortie des deux conflits mondiaux, on a érigé des monuments aux morts pour honorer leur mémoire, il faut qu’une initiative soit portée au niveau communal ou départemental pour que quelque chose soit fait" pour les morts du coronavirus, déclare Lionel Petitpas, par ailleurs porteur d'une pétition sur internet.

"On écrit une page de notre histoire"

Face à cette tragédie, personnelle et nationale, Aude Petitpas dit soutenir l'initiative de son père. "Je le soutiens à double titre parce qu'on parle de ma maman décédée brutalement, mais aussi en tant que soignante", explique-t-elle. "Je ne travaille pas en unité Covid, mais je sais ce que les infirmiers vivent là-bas", poursuit l'infirmière. "Ils sont totalement désemparés".

Pour elle, rendre hommage aux victimes est primordial. "On écrit une page de notre histoire", affirme-t-elle. "Et il est important de ne pas oublier ces morts, pour qu'ils ne soient pas que des chiffres".