Un médicament anti-nausée et vomissement à base de dompéridone a-t-il causé la mort de plusieurs centaines de personnes en France en 2012 ? C'est ce que soupçonne une étude française, publiée mardi dans la revue Pharmacoepidemiology and Drug Safety
Un médicament sous surveillance depuis 10 ans. Le médicament incriminé par l'étude est vendu sous l'appellation Motilium par le laboratoire Janssen-Cilag, mais également sous une forme générique. C'est la dompéridone qu'il contient qui poserait problème. Largement utilisée comme anti-nauséeux, cette molécule a également été prescrite dans le passé pour traiter des ballonnements ou des brûlures d'estomac et même pour stimuler la lactation. Le Motilium est placé sous surveillance par les autorités sanitaires depuis plus de dix ans. Environ 3 millions de personnes en France ont consommé de la dompéridone en 2012.
Un risque accru de mort subite cardiaque. Selon l'étude, le Motilium pourrait être à l'origine de plus 200 morts subites en 2012. "Selon la synthèse de travaux épidémiologiques internationaux, l'utilisation de la dompéridone multiplie par 2,8 le risque de mort subite cardiaque, ce qui aboutit à une estimation de 231 décès en France en 2012 dans la population âgée de 18 ans et plus", explique l'épidémiologiste Catherine Hill, qui a coordonné l'étude. L'étude s'appuie aussi sur des travaux menés par la revue médicale indépendante Prescrire qui avait déjà fourni une première estimation "prudente" évaluant les décès entre 43 et 189.
Des mises en garde mais pas de retrait. Dès 2011, l'Agence française du médicament (ANSM) et le principal laboratoire concerné avaient informé les médecins et les pharmaciens du risque de mort subite . L'ANSM avait par ailleurs mis en garde contre l'usage du Motilium pour favoriser l'allaitement. L'an dernier, l'Agence européenne du médicament (EMA) a préconisé des restrictions d'utilisation en relevant que la dompéridone avait "clairement été associée avec un petit risque accru d'effets cardiaques potentiellement mortels". Elle avait précisé que le risque était plus important chez les patients âgés de plus de 60 ans et chez ceux prenant des doses quotidiennes supérieures à 30 mg et l'agence avait aussi recommandé de réserver le médicament exclusivement aux traitements des nausées et des vomissements.
Pour la revue Prescrire, qui milite pour son retrait du marché, "le danger mortel de la dompéridone" n'est pas justifié "par son efficacité (...) incertaine au delà d'un effet placebo". Elle ajoute dans son dernier numéro que des médicaments comme la métopimazine (Vogalène ou générique) et le métoclopramide (Primpéran ou générique) sont "voisins de la dompéridone et sont dangereux aussi".