Feu vert à l'expérimentation de "salles de shoot"

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Alcyone Wemaere, avec agences , modifié à
L'article 9 du projet de loi de modernisation du système de santé a été adopté par l'Assemblée nationale par 50 voix contre 24.

C'était l'une des dispositions les plus clivantes du projet de loi de modernisation du système de santé : l'expérimentation de salles de consommation de drogue à moindre risque, communément appelées "salles de shoot". Elle a été votée mardi soir par l'Assemblée nationale après plus de quatre heures de débats.

6 ans d'expérimentation maximum. L'Assemblée nationale a adopté, après plus de 4 heures de vifs débats entre la gauche et l'UMP, le principe de l'expérimentation des salles de consommation de drogue à moindre risque. Soutenu par tous les groupes de gauche, l'article 9 du projet de loi de modernisation du système de santé, porteur de cette mesure, a été adopté par 50 voix contre 24, en première lecture.

Un objectif sanitaire. Outre une réduction des risques liés aux injections (infection au VIH, hépatite C...) et une amélioration de l'accès aux soins des usagers de drogues les plus marginalisés, ces salles ont aussi entre autres objectifs une diminution des nuisances dans l'espace public. Il s'agira de locaux gérés par les professionnels des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogue (Carrud), où sera autorisée la consommation des substances illicites apportées par ces toxicomanes, dans la limite de leur consommation, sous la supervision d'une équipe pluridisciplinaire, avec des professionnels de santé et du secteur médico-social. Les toxicomanes détenant pour leur seul usage et consommant des stupéfiants dans ces salles ne pourront être poursuivis pour usage et détention illicite. De même, les professionnels intervenant dans ces salles ne pourront pas être poursuivis pour complicité d'usage illicite de stupéfiants notamment, s'ils agissent conformément à leur mission de supervision.

Sur Europe1 mercredi matin, le psychologue Jean-Pierre Couteron, spécialiste des addictions, s'est félicité de ce feu vert des députés :"ouvrir une salle de consommation, ce n'est pas donner un mauvais exemple à des jeunes, c'est traiter un public qui en a besoin. Cela n'empêche pas par ailleurs d'avoir des discours de prévention tout à fait cohérent", a-t-il souligné.

Un dispositif déjà en vigueur à l'étranger. Ces salles, déjà expérimentées dans une dizaine d'autres pays (la plus ancienne en Suisse a été créée il y a trente ans), sont destinées à des toxicomanes majeurs précarisés, qui se droguent dans de mauvaises conditions d'hygiène, souvent dans la rue ou des halls d'immeuble, selon la majorité socialiste. "Des gens qui ont disparu des radars de notre société" et échappent à tous les dispositifs existants, selon la présidente PS de la commission des Affaires sociales Catherine Lemorton, pharmacienne de profession, "avec 15 ans d'expérience dans un réseau de réduction des risques à Toulouse".

Quel coût ? Le coût de ces salles est estimé à environ 800.000 euros par an, si l'on se base sur le projet d'expérimentation parisien, a indiqué la ministre de la Santé Marisol Touraine, soulignant, face aux critiques de la droite que le gouvernement consacrait par ailleurs 388 millions d'euros par an à la prévention et à la lutte contre les addictions. Outre Paris, deux autres villes pourraient expérimenter les salles de shoot.

L'UMP vent debout. Sur Europe1, mercredi matin, le député UMP Yannick Moreau a dénoncé "une vision hygiéniste de la consommation de drogue". Pour lui, "on accompagne les toxicomanes à se droguer proprement mais on ne les aide pas à se guérir". Selon lui, "cet argent-là aurait été mieux investi en prévention auprès de notre jeunesse ou en financement de centre thérapeutiques qui aident les personnes dépendantes de la drogue à sortir de l'enfer de l'addiction", a-t-il estimé.

Le groupe UMP, qui considère les salles de shoot comme "une première marche vers la dépénalisation" de la drogue, a alerté sur des risques de possibles overdoses à l'intérieur de ces salles et de "zones de non droit" à l'extérieur. Ses orateurs ont aussi reproché à la majorité de vouloir de se donner "bonne conscience" mais aussi de faire preuve de contradiction, après avoir "stigmatisé l'alcool et le tabac" par de précédentes mesures de ce projet de loi, débattues la semaine dernière.

La députée FN Marion Maréchal-Le Pen a critiqué un "signal catastrophique envoyé à la population française puisque l'Etat va organiser une violation de la loi". "Arrêtez de vouloir faire peur: il ne s'agit nullement d'ouvrir des salles partout en France pour toujours, mais de répondre à des réalités", a lancé la "députée de la gare du Nord" Seybah Dagoma (PS). L'écologiste Jean-Louis Roumégas, qui a affirmé avoir récemment vu en pleine après-midi à Montpellier deux personnes se droguant derrière une voiture, avec des seringues à même le sol, a défendu une mesure "pragmatique". 

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