Dépendance : le drame d’Orthez va-t-il permettre de briser le silence ?

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et Eve Roger , modifié à
OMERTA - Après les aveux de l’anesthésiste de la maternité d’Orthez, de nombreux médecins s’interrogent sur la nécessité de dénoncer les dépendances de leurs collègues. 

Mise en examen après le décès d’une de ses patientes fin septembre, l’anesthésiste belge de la maternité d’Orthez a reconnu cette semaine qu’elle était sous l’emprise de l’alcool le soir de l’accident. Selon plusieurs études, les professions médicales sont fragilisées par les dépendances à l’alcool ou aux drogues, sans que personne dans le milieu n’ose dire quoi que ce soit. Le drame d’Orthez pourrait-il pousser les professionnels de la santé à briser le silence?

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Un anesthésiste sur dix dépendant.Selon une étude datant de 2005, un médecin anesthésiste-réanimateur sur dix est en état d’abus ou de dépendance à une addiction. Sur ces 10% d’anesthésistes, 59% reconnaissent abuser de l’alcool, 41% se réfugient dans les tranquillisants ou et 6,3% dans la consommation de cannabis. Une profession pas du tout isolée dans le milieu médical. D’autres études comme celle, par exemple, publiée en 2012 mettent en avant l’état de burn-out très fréquent chez les chirurgiens.

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© Le code de déontologie médicale stiuple qu’on ne dénonce pas un confrère qui a fait une erreur. (REUTERS)

Denis est psychiatre dans un hôpital de l’Ouest de la France. Et depuis deux ans, l’ambiance de son service est totalement plombée par la présence d’un médecin qui boit. "C’est très difficile dans le travail de tous les jours", raconte ce spécialiste au micro d’Europe 1. "C’est quelqu’un qui est visiblement fatigué, qui est visiblement altéré par sa consommation d’alcool. Il peut faire des choses totalement aberrantes avec les prescriptions. C’est parfois dangereux pour le patient et ça m’agace beaucoup".  Et de pointer du doigt le manque de courage de sa hiérarchie. "C’est quelque chose qui est assez toléré par l’équipe", explique-t-il. "Quand j’en parle à ma hiérarchie, on minimise beaucoup les choses. On dit que ce n’est pas si grave. C’est peut-être plus simple de faire l’autruche et de se dire qu’il n’y a pas de souci".

Couverture Whats up Doc #16

Les médecins très réticents à la dénonciation. Le drame d’Orthez aurait-il pu être évité ? Les collègues de l’anesthésiste auraient-ils dû en référer à leur hiérarchie ? Le refus de "balancer" un collègue à la médecine du travail est très fréquent dans la profession. Au nom de la sacro-sainte confraternité, aucun médecin ne se risquera à dénoncer un confrère atteint d’une dépendance.

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Un flou dans le code de déontologie médicale. Dans son dernier numéro, le magazine What’s up Doc (en photo), revient largement sur ces tabous dans le milieu médical. Il explique notamment qu’il existe une ambigüité sur le terme même de confraternité. Le code de déontologie médicale explique qu’on ne dénonce pas un confrère qui a fait une erreur. Mais ce même code ne dit pas qu’on ne doit pas proposer de l’aide à un médecin alcoolique qui se met en danger et qui, surtout, met en danger la vie de ses patients.