Après un cancer du sein, les dessous d'une féminité retrouvée

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OCTOBRE ROSE - Après la chirurgie, la maladie n’est pas pour autant terminée. Comment se reconstruire et retrouver sa féminité ? 

Lors d’un contrôle anodin chez le médecin, Valérie se rend compte qu’elle a deux tumeurs au sein. Le verdict tombe très rapidement : cancer du sein et mastectomie obligatoire pour rester en vie. Comme une femme sur huit en France, elle doit alors affronter cette épreuve. Mais très rapidement, Valérie pense à l’après. "J’ai eu peur de la mort mais de manière très brève", nous confie-t-elle. "Cette peur a été immédiatement chassée par la peur de perdre mon sein". Et toutes ces questions qui s’enchaînent : "à quoi vais-je ressembler ?", "comment vais-je faire pour m’habiller ?",…  

"Ce chirurgien ne m’avait pas guéri, il m’avait enlevé un sein" 

Quand on pense au cancer du sein, on pense tout de suite au danger de mort. Mais pour les femmes qui subissent une mastectomie ou une radiothérapie très violente, ce cancer devient synonyme de "mutilation". "Quand j’ai revu le chirurgien après l’opération, il était content pour moi", raconte Valérie. "Avec un grand sourire, il m’a dit : ‘je vous ai guérie, je vous ai sauvé la vie’. Mais ça ne suffisait pas. Ce chirurgien ne m’avait pas guérie, il m’avait enlevé un sein. Si j’avais pu le frapper ce jour-là, je l’aurais fait".   

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© En 2012, près de 48.800 nouveaux cas et 11.886 décès ont été recensés en France.

"Dans l’inconscient collectif, le sein est le premier signe extérieur de féminité", abonde la psychopraticienne Carole Louvel, elle-même opérée d’un cancer du sein il y a huit ans. "C’est un morceau de féminité qu’on vous coupe quand on vous enlève le sein". Comment faire dès lors pour ne pas sombrer ? Pour ne pas perdre sa féminité du jour au lendemain ?  

"Je me suis retrouvée au rayon orthopédique d’une pharmacie" 

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© Garance Paris

En rentrant chez elle, Valérie choisit une solution radicale : vider toute sa garde-robe. Cette enseignante en maternelle de 43 ans, qui pratique aussi à mi-temps la danse contemporaine découpe tous ses soutiens-gorge pour pouvoir y glisser une prothèse. "Rien ne marchait. C’était trop injuste, on venait de m’enlever un sein et je devais jeter tous mes dessous". 

En traînant les pieds, Valérie finit par se décider à en acheter de nouveaux. "Je me suis retrouvée au rayon orthopédique d’une pharmacie. J’étais en plein cauchemar", explique-t-elle aujourd’hui avec beaucoup d’autodérision. "A part deux ou trois marques de lingerie, il n’existe presque rien. Et encore, c’est souvent immettable". L’été arrive rapidement et Valérie se retrouve confrontée à un autre problème : les maillots de bain. Là, c’est une très belle surprise. Elle tombe sur la marque Garance, spécialisée dans les pièces pour femmes qui ont eu un cancer du sein. Une marque portée par sa créatrice, Cécile Pasquinelli Vu-Hong, elle-même touchée par ce type de cancer. 

"J’avais l’impression d’enfiler un col roulé à la plage" 

Cécile Pasquinelli - Portrait Noir CarréHR

En 2010, Cécile (en photo) n’a que 39 ans quand elle apprend la terrible nouvelle. Comme pour Valérie, la tumeur est très violente, la mastectomie obligatoire. Diagnostiquée et opérée avant l’été, cette mère de trois enfants prend une énorme claque sur la plage. "C’est le premier moment où je me suis vraiment rendu compte que le cancer me rendait laide", nous avoue-t-elle. "Je suis toute petite. Et pour ma taille, il n’y avait pas vraiment beaucoup de choix. C’était juste horrible, des trucs trop grands avec des motifs perroquet. J’avais l’impression d’enfiler un col roulé à la plage". Plutôt que se laisser abattre, Cécile y voit un tournant dans sa vie. Après avoir passé 17 ans dans la stratégie marketing dans le secteur bancaire, elle plaque tout et lance la marque Garance. Trois ans plus tard, elle avance fièrement le chiffre de 60 points de vente en France, mais aussi en Belgique et en Espagne. Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Elle crée aussi une gamme de pyjama. "Le maillot de bain et la lingerie de nuit, c’est les deux moments où on est vraiment à nu", justifie-t-elle. "La lingerie, vous pouvez toujours la couvrir avec des vêtements".

Le succès est tel que Cécile Pasquinelli Vu-Hong tape dans l’œil de l’Institut Curie, à la pointe sur le cancer du sein. "L’Institut a accepté qu’un pyjama conçu pour les femmes qui viennent de subir une mastectomie leur soit remis", annonce-t-elle fièrement. Reste à trouver un financement pour le projet. Et Cécile lancera aussi au printemps prochain sa propre gamme de lingerie. 

"C’est devenu ma thérapie, je me sens encore plus femme qu’avant"

Valérie, elle, n’a toujours pas choisi de faire appel à la chirurgie plastique pour son sein. Pas encore prête. Mais elle va beaucoup mieux. Elle est même devenue modèle pour Garance et teste les soutiens-gorge qui vont bientôt sortir. Des essais pour s’assurer qu’il n’y a pas de malfaçon ou de petits problèmes techniques qui pourraient blesser un sein déjà meurtri par la chirurgie. Plus qu’un coup de main qu’elle donne à Cécile Pasquinelli, c’est devenu sa thérapie. "Quand je vais à la plage ou à la piscine, je me sens bien et je suis fière. Maintenant, j’accepte beaucoup mieux le regard des autres. Et quelque part, je me sens encore plus femme qu’avant". 

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