Simone Veil : "Moi, elle m'intimidait" confie Catherine Nay

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Aurélie Dupuy , modifié à
L'éditorialiste d'Europe 1 Catherine Nay dresse le portrait de Simone Veil, une femme hors du commun, respectée à l'extrême, voire crainte, parfois.
TÉMOIGNAGE

Grande dame de la politique française, Simone Veil s'est éteinte vendredi à 89 ans. L'éditorialiste et "grande voix" d'Europe 1 Catherine Nay est revenue sur la personnalité de l'ancienne ministre de la Santé qu'elle a eu l'occasion de croiser à de nombreuses reprises. 

"Elle pouvait être une femme dure". Si les journalistes voyaient souvent Simone Veil, "on ne s'approchait pas tellement", glisse Catherine Nay. "Il y avait toujours entre elles et nous une distance. Il émanait d'elle tout le passé. On ne parle pas à quelqu'un qui a souffert comme ça, comme on parle à n'importe qui". "La familiarité n’était pas possible avec elle et elle ne la recherchait surtout pas. Elle avait une forme d’autorité naturelle et un caractère qui faisait qu'elle n'hésitait pas à envoyer les gens valdinguer (...) Elle pouvait être une femme dure. Nous avions peur d'elle, disons les choses", confie Catherine Nay. "Moi, elle m'intimidait", avoue-t-elle.

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"La familiarité n’était pas possible avec elle"

"Il y avait une vitre entre elle et nous". Cette distance venait en partie de son passé. "Ce vécu dont elle ne parlait pas. Ses fils disaient que jamais dans leur jeunesse, elle ne leur a raconté ce qu'avait été l'épreuve [des camps], comme souvent les déportés." Catherine Nay fait également part de "la douleur d'une femme qui revient du camp avec une sœur qui meurt quelques années après. Cette femme a été éprouvée toute sa vie. Il y avait trop de douleurs en elle. On la sentait toujours un peu dans la retenue. Elle riait, elle aimait rire. Mais il y avait une vitre entre elle et nous."

"Giscard d'Estaing avait pensé qu'il n'y avait qu'elle". "Evidemment, elle a été admirable sur l'avortement. Valéry Giscard d'Estaing avait pensé qu'il n'y avait qu'elle pour affronter les hommes dans l'hémicycle et Dieu sait si elle a été chahutée. Quand j'en parlais avec elle et que je disais que c'était une liberté, elle disait 'non, détrompez-vous la grande liberté, c'est la pilule.' Quand on relit les débat sur la pilule en 1967 et ceux sur l'avortement, sur la pilule, les hommes qui se rendaient compte qu'ils n'allaient plus être les maîtres du corps de la femme étaient remplis de trouille. La suprématie masculine ? On ne maîtrisait plus. Les hommes allaient peut-être devoir endosser la paternité d'un enfant qui n'était pas le leur. C'était ça la peur des hommes."

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Elle riait, elle aimait rire. Mais il y avait une vitre entre elle et nous.

"Majesté naturelle". La journaliste loue aussi le charisme de Simone Veil d'un parlement à l'autre. "Comme présidente du Parlement européen, elle apportait l'Histoire dans cet hémicycle. Et il faut dire qu'elle avait un physique extraordinaire, un regard à la fois glaçant et séduisant, une majesté naturelle qui faisait qu'elle était respectée. Et elle s'est donnée du mal. Elle croyait à l'Europe comme tous ceux qui avaient fait la guerre."