EDITO - Réforme des retraites : "Il faut rappeler quelques chiffres sur le nombre réel de grévistes"

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Nicolas Beytout
Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, la pagaille dans les transports en commun, en raison de la mobilisation contre la réforme des retraites est un écran de fumée qui cache un nombre de grévistes en forte baisse, sept jours après le début du mouvement.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, doit dévoiler le détail de la réforme des retraites mercredi devant le Conseil économique et social. Mais le locataire de Matignon a déjà prévenu : "Il n’y aura pas d’annonce magique" qui pourrait "faire cesser les manifestations". Or, pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, le blocage du pays, et notamment des transports, par les opposants à ce projet, reste le fait d'une "petite minorité".

"'Pas d’annonce magique'. Pour le Premier ministre, c’est une façon de dire aux Français : 'la suite ne sera pas de ma responsabilité, mais de celle des syndicats qui veulent absolument continuer la grève'. On sait en effet que plusieurs d’entre eux, dont la CGT et FO, ont posé une exigence pour arrêter le mouvement : le retrait de la totalité du projet de réforme. Ce qui est évidemment inenvisageable.

Les syndicats ont d’ores et déjà prévu une nouvelle journée de mobilisation jeudi. Elle sera très intéressante à observer. Il y avait, jeudi dernier, au premier jour de la mobilisation, 800.000 manifestants un peu partout en France. Il y en a eu entre deux et quatre fois moins mardi, selon les villes. Si ces chiffres restent les mêmes, pire, s’ils marquent un nouveau retrait, alors on pourrait voir s’enclencher ce qui s’est toujours produit historiquement dans ce genre de mouvement social : un reflux progressif, une décrue des manifestations.

Des chiffres à la baisse

En ce qui concerne les grèves, il faut également rappeler quelques chiffres sur le nombre réel de grévistes. Après la forte mobilisation du 5 décembre, il n’y avait plus lundi à la SNCF que 17% de grévistes. Et mardi, deuxième grande journée de mobilisation : ce chiffre était tout juste remonté à 25%. Autrement dit : 75% de non-grévistes.

Toutefois, ne pas faire grève, pour une partie d’entre eux, ne veut pas dire qu’ils approuvent cette réforme. Les salariés ont également tendance à perler leurs journées de grève pour ne pas taper trop fort sur leur salaire. Dans l’éducation, on a compté mardi 12% de grévistes dans le primaire et moins de 20% dans le secondaire (soit plus de 80% de non-grévistes). Et dans l’ensemble de la fonction publique, 5,8% d’arrêts de travail, soit quatre fois moins que la semaine dernière).

Et malgré ces chiffres, le pays reste bloqué, les trains sont peu nombreux et saturés, et sur les routes les embouteillages monstrueux. Or, il y a un signe qui ne trompe pas : lorsque des grévistes commencent à faire des piquets de grève pour empêcher leurs camarades non-grévistes de travailler, lorsqu’ils les insultent, font pression, les menace, c’est bien que la grève change de visage.

Ce droit constitutionnel de faire grève a toujours dû co-exister avec la liberté de travailler et celle de circuler. Lorsque cet équilibre est durablement rompu par une petite minorité, qui défend un statut assez privilégié en faisant croire qu’elle le fait au nom de tous, de tous ces Français qu’ils empêchent justement de travailler, alors la légitimité même de cette grève est remise en question."