Réforme constitutionnelle : le chemin est encore (très) long

sénat 1280
Le texte sera examiné au Sénat à partir du 10 mars. © ALAIN JOCARD / AFP
  • Copié
Aurélie Herbemont, Rémi Duchemin et , modifié à
Après le vote favorable de l'Assemblée Nationale mercredi, le texte doit maintenant être examiné par le Sénat. Le texte est encore loin, très loin d'être définitivement adopté.

François Hollande et Manuel Valls ont remporté une bataille, mercredi à l’Assemblée, mais pas la guerre. Loin de là. Car si les députés ont adopté, mercredi, par 317 voix contre 199, le projet de révision constitutionnelle, le parcours du texte reste jalonné d’obstacles jusqu’à une adoption éventuelle par le Parlement réuni en Congrès. Ce sera, d’abord, au tour du Sénat d’examiner, à partir du 16 mars, la fameuse réforme, qui doit institutionnaliser l'état d'urgence et inscrire dans la Loi fondamentale la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour terrorisme. L’étape est essentielle, car contrairement aux lois ordinaires, les sénateurs ont in fine leur mot à dire sur une révision constitutionnelle.

Le Sénat veut modifier le texte. Or, le Sénat, majoritairement à droite, veut modifier sensiblement le texte. La chambre haute devrait ainsi rétablir la déchéance de nationalité pour les seuls binationaux, un point qui avait profondément divisé les députés socialistes. "On va rappeler à François Hollande son engagement de Versailles", explique un proche de Gérard Larcher. Car les apatrides, ni le président du Sénat, ni le président du groupe LR, Bruno Retailleau, n'en veulent.

Mais si les sénateurs modifient ce point, le texte devra repasser à l’Assemblée, avec la perte de temps inhérente à cette nouvelle navette parlementaire. Avec comme risque une impasse, car la Constitution dispose  que le texte de révision doit être "voté par les deux assemblées en termes identiques". En gros, les deux chambres doivent se mettre d’accord, ce qui est loin d’être gagné.

Le gouvernement met la pression. Le gouvernement, soucieux d’en finir au plus vite, va tenter d'amadouer les sénateurs en pointant l'argument de la responsabilité. Après le vote à l'Assemblée, Manuel Valls a ainsi affirmé "ne pas douter un seul instant que le Sénat fera preuve de la même responsabilité". Un conseiller de Manuel Valls souligne avec insistance que "l'Assemblée a réussi à arriver aux 3/5e, le score nécessaire au Congrès". En clair, il suffirait de faire le même score au Sénat pour convoquer le Congrès et mettre un point final à cet interminable débat.

Néanmoins, en l’état actuel des choses, et vu l’intransigeance des positions des sénateurs de droite, l’hypothèse est peu probable. Certains, au Sénat, font d’ailleurs monter la pression. "Si les députés ne votent pas notre texte, François Hollande reprend sa réforme, fait des confettis avec et arrête de nous faire perdre notre temps", lâche un cadre.

Une majorité des 3/5e introuvable ? Et si l’écueil d’un texte adopté de manière identique dans les deux chambres était finalement évité, resterait alors une ultime difficulté à franchir, et pas la moindre : celle du Congrès. Lors de cette réunion du Parlement, généralement à Versailles, une majorité des trois cinquièmes des députés et des sénateurs doit approuver la réforme constitutionnelle pour qu’elle s’applique. Soit 555 parlementaires sur 925.

Pour l’heure, 317 députés semblent convaincus, puisqu’ils ont voté pour la révision constitutionnelle mercredi. Restent donc au moins 238 voix à trouver chez les sénateurs. Le calcul paraît simple, mais il n’est en fait que théorique. Car si les deux chambres tombaient finalement d’accord, ce serait au prix de concessions à même de refroidir les bonnes volontés de certains. Si une trop courte majorité adoptait finalement le texte à l’Assemblée et au Sénat, alors François Hollande ne prendrait même pas la peine de convoquer le Congrès. Car sa réforme serait cette fois morte et enterrée. Définitivement.