Qui est Paul Magnette, ce Belge attendu au chevet du PS français ?

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Le refus qui l'a d'abord opposé au Ceta a installé la réputation internationale de Paul Magnette. © JOHN THYS / AFP
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Romain David
Le bourgmestre de Charleroi, ancien ministre-président de la Wallonie, a été contacté par le PS français pour conduire leur liste européenne en mai 2019.

Il en a été le premier surpris. "Oui, j'ai bien reçu une proposition du PS français, avec un certain étonnement, je l'avoue, car ils me proposent la première place sur leur liste européenne, pas moins", a déclaré jeudi Paul Magnette, ex-ministre-président de la Wallonie, au quotidien belge Le Soir, confirmant ainsi une information du Figaro. Homme fort du Parti socialiste belge – il pourrait bien succéder à Elio Di Rupo en 2019 – son nom est généralement associé par les Français au Ceta. En octobre 2016, l'opposition de son gouvernement à ce traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada a en effet bien failli faire capoter une décennie de négociations, et a placé du même coup ce fringant quadragénaire sous les projecteurs internationaux.

Irrésistible ascension. Universitaire, professeur de sciences politiques passé par Cambridge et réputé pour ses talents d'orateur, Paul Magnette a connu une ascension fulgurante à partir de 2007, loin de sa carrière d'enseignant. À l'époque, Elio Di Rupo, encore président du PS wallon, table sur son charisme et lui demande de jouer les médiateurs alors que plusieurs figures locales du parti, membres du collège échevinal de Charleroi (l'équivalent de notre conseil municipal), sont visés par des affaires judiciaires. Paul Magnette obtient leur démission et la mise en place d'un accord de majorité entre socialistes et centristes. Ce premier succès lui vaut d'intégrer quelques semaines plus tard le gouvernement wallon en tant que ministre de la Santé. Fin 2007, Elio Di Rupo nomme son brillant poulain ministre du Climat et de l'Energie au sein du gouvernement fédéral. En six mois, Paul Magnette est passé des salles de cours aux plus hautes sphères du pouvoir. Une escalade qui pourrait faire rougir Emmanuel Macron.

En 2012, les électeurs belges confortent son ascension : pour sa première participation à un scrutin, Paul Magnette est élu bourgmestre de Charleroi, sa liste ayant décroché 47,69% des suffrages, un score que la gauche n'avait plus atteint depuis douze ans.

David contre Goliath. En mai 2014, le Carolorégien remporte également les élections régionales en Wallonie et devient ministre-président. Deux ans plus tard, son nom s'étale en Une des grands quotidiens européens lorsque le Parlement wallon s'oppose à l'adoption de l'Accord économique et commercial global que l'UE entend passer avec le Canada. L'entêtement des élus d'une petite région de 3,6 millions d'habitants suffit à hypothéquer l'avenir commercial des 28 et à mettre en haleine de nombreux responsables politiques européens.

À quelques mois de l'élection présidentielle, la gauche française salue notamment la résistance de Paul Magnette, et en fait une figure de proue de l'anti-libéralisme. Plusieurs candidats lui auraient même demandé son soutien. "C’est évidemment très flatteur. Mais ce qui l’est encore plus c’est d’être soutenu par des intellectuels comme Edwy Plenel ou Naomi Klein, des gens que j’admire beaucoup personnellement. Les événements comme ceux que l’on vient de vivre ces derniers jours donnent du sens à l’action politique", commente alors l'intéressé auprès des Inrockuptibles.

Derrière les micros, Paul Magnette refuse les étiquettes et se présente d'abord comme un chevalier servant de la démocratie. "Je ne pense pas qu’il y ait trop de démocratie dans les débats sur les traités internationaux, je pense qu’il n'y en a pas assez", fait-il notamment valoir sur Europe 1. "Si on avait fait les débats démocratiques en amont, avant de donner les mandats à la Commission européenne, si on avait régulièrement rendu compte de l’avancement des négociations, si on avait pris un long temps d’explication sur les résultats de ces négociations, je pense que les choses se seraient mieux passées…" Après plusieurs semaines d'atermoiements, les différents parlements de Belgique arrivent finalement à un accord sur le Ceta. Entre-temps, la réputation de Paul Magnette s'est installée très largement au-delà des rives de la Meuse et de l'Escaut, celle d'un intellectuel brillant qui a su dire "non" au Canada et à Bruxelles.

L'homme providentiel ? Une fermeté, un sens de la négociation et une aura qui pourrait même sauver le PS français de sa déroute et des bisbilles internes qui le minent ? L'intéressé n'a pas encore formellement refusé la proposition qui lui a été faite, mais devra justifier d'au moins six mois de résidence sur le territoire français pour participer à un scrutin dans l'Hexagone. Dans les colonnes du Figaro, les socialistes tricolores minimisent, et leur Premier secrétaire, Olivier Faure, préfère parler d'une simple "hypothèse" parmi d'autres.

De la poésie et du pain. Côté jardin, Paul Magnette apprécie Pier Paolo Paoslini chez qui il préfère toutefois le poète au cinéaste, "daté" selon lui. Il lui a consacré deux essais : Pasolini : La passion politique (1995) et Pasolini ou la raison poétique (2016).

Dans la version belge d'Au Tableau !!!, ce père de quatre enfants avoue faire son pain lui-même. Une passion qui l'a même poussé à suivre une formation chez Roland Feuillas, célèbre maître boulanger installé à Cucugnan, dans l'Aude. D'ailleurs, le Belge semble tellement apprécier la France qu'il passe ses vacances d'été 2018 dans le Gard… un département toujours aux mains du PS.