Pollueur-payeur : le gouvernement retire un amendement controversé

C'est désormais Barbara Pompili qui défend le projet de loi sur la biodiversité.
C'est désormais Barbara Pompili qui défend le projet de loi sur la biodiversité. © ERIC FEFERBERG / AFP
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avec AFP , modifié à
Controversé, l'amendement gouvernemental sur le préjudice écologique a été retiré en commission à l'Assemblée, mardi soir.

Le gouvernement a retiré mardi soir, en commission à l'Assemblée, un amendement au projet de loi sur la biodiversité retouchant le principe de "préjudice écologique" mais décrié par des socialistes et des défenseurs de l'environnement, le sujet devant être retravaillé d'ici à la séance publique. Le projet de loi, désormais défendu par la secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversité, l'écologiste Barbara Pompili, sera débattu en deuxième lecture dans l'hémicycle à compter du 15 mars. 

Que prévoyait cet amendement ? A l'origine d'une polémique et d'un long débat dans la soirée en commission du Développement, un amendement gouvernemental déposé dans la journée entendait modifier l'inscription dans le code civil du préjudice écologique ajoutée au Sénat à l'initiative de Bruno Retailleau, chef de file du groupe LR. La version telle que réécrite par le gouvernement prévoyait notamment qu'"indépendamment des préjudices réparés suivant les modalités du droit commun, est réparable (...) le préjudice écologique résultant d'une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu'aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement". Mais "n'est pas réparable (...) le préjudice résultant d'une atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application", était-il notamment ajouté.

Une remise en cause du principe de "pollueur-payeur". L'ex-ministre de l'Ecologie et députée PS Delphine Batho s'est élevée d'emblée en commission contre ce qu'elle a décrit comme "une régression généralisée" et une remise "en cause du principe pollueur-payeur". Graver dans la loi la jurisprudence sur le préjudice écologique, née notamment dans le sillage du naufrage du pétrolier Erika, va "à l'encontre d'un certain nombre d'intérêts de très grandes firmes", relayé par le Medef, a-t-elle aussi estimé. Outre plusieurs associations ou ONG, dont le WWF, l'ancienne ministre de l'Environnement et avocate Corinne Lepage avait dénoncé dans la journée cet amendement surprise, twittant notamment que "Total l'a rêvé, la loi le fait !".

Se remettre au travail. Insistant sur l'objectif d'inscrire dans la loi le principe de préjudice écologique et récusant toute idée d'attenter au "principe constitutionnel du 'pollueur-payeur'", Barbara Pompili a rapidement annoncé en commission le retrait de l'amendement gouvernemental face à des "interprétations divergentes", dans un premier temps au profit d'un autre, de la rapporteure PS Geneviève Gaillard. "D'ici la séance, nous avons 15 jours pour travailler tous ensemble à une rédaction" pouvant davantage rassembler, a ajouté la secrétaire d'Etat, selon laquelle "on ne part pas d'une page blanche".

Une issue inéluctable ? Satisfaite du retrait gouvernemental, Delphine Batho a critiqué un volet de l'amendement de Geneviève Gaillard maintenant l'idée d'une compensation en nature en priorité du préjudice écologique et réservant de possibles réparations financières à des cas exceptionnels. Elle s'est montrée "opposée" à ce que "les victimes ne puissent plus demander de dommages et intérêts" à ce titre. Après d'autres discussions de forme et de fond, tous les amendements et sous-amendements ont été retirés, suivant l'option de ne rien voter pour l'instant prônée par Arnaud Leroy (PS) vu la persistance de "beaucoup de questions". "Je pense que nous enterrons le préjudice écologique", a néanmoins regretté la rapporteure, trouvant les 15 jours impartis trop courts.