François Hollande : "Il y a chez les gilets jaunes un sentiment de solitude mal compris"

François Hollande dans les studios d'Europe 1.
François Hollande dans les studios d'Europe 1. © © Europe 1/Capa pictures/Damien Carles
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Dans trois épisodes exclusifs d’"Au cœur de l’histoire", l'ancien président analyse le "malaise français". Et notamment le mouvement des "gilets jaunes", qu'il voit comme une agrégation soudaine de mal-être individuels.
PODCAST

François Hollande rejoint Emmanuel Macron sur un point : la crise des "gilets jaunes" couvait depuis longtemps. "Je crois que cela vient de loin", analyse l'ancien président au micro d'Europe 1. Invité exceptionnel de Fabrice d'Almeida pour une série de trois podcasts "Au cœur de l'histoire" consacrés à sa conquête, son exercice et son départ du pouvoir, le socialiste en profite pour porter son regard sur le "malaise français" latent ces dernières années, et pleinement exprimé avec ce mouvement social.

Écoutez l'analyse de la crise des "gilets jaunes" par François Hollande, au micro de Fabrice d'Almeida dans "Au cœur de l'histoire"

Pour François Hollande, l'expression de ce malaise sous la forme de la mobilisation des "gilets jaunes" n'a rien d'un hasard. "Le problème principal de la décennie, cela a été le chômage", analyse l'ancien chantre de l'inversion de la courbe. "Au nom de cette bataille-là, beaucoup ont [baissé] leurs exigences en termes de pouvoir d'achat, ont fait en sorte de tenir bon, de se serrer la ceinture, pour que la priorité puisse être assurée."

Mais cela n'a eu qu'un temps. "Quand ils ont eu le sentiment que la croissance était revenue, que les profits étaient quand même là, que des avantages fiscaux étaient accordés, la question du pouvoir d'achat est redevenue majeure." Et c'est, estime François Hollande, cette question-là qui sous-tend la mobilisation des "gilets jaunes".

La politique macroniste a attisé les flammes de la contestation

L'ancien président en profite aussi pour tacler, sans la nommer, la politique d'Emmanuel Macron, qui n'a pu selon lui qu'attiser la flamme de la contestation. "La question du pouvoir d'achat est d'autant plus revenue qu'il y a eu la montée du prix du pétrole, la taxe sur les carburants et des mesures comme la [hausse de la] CSG qui ont amputé le pouvoir d'achat. Une partie de la France qui travaille a la conviction qu'elle n'a pas sa part, qu'elle n'a pas son retour."

Mais François Hollande voit dans le mouvement des "gilets jaunes" autre chose encore. "Il y a un sentiment qu'on avait mal compris, mal perçu : la solitude." Il s'agit là, selon lui, de l'aspect "le plus intéressant" de la mobilisation. "C'est l'agrégation de personnes qui, jusque-là, se débattaient seules face à leurs difficultés, n'étaient encadrées par aucun mouvement, aucun parti, aucun syndicat. Et d'un seul coup, elles se sont retrouvées sur au moins une solidarité de territoire. Elles ont pu échanger leur expérience et leur situation."

 

Écoutez l'interprétation de la crise "gilets jaunes" par François Hollande, au micro de Fabrice d'Almeida dans "Au cœur de l'histoire"

Parallèle avec Nuit Debout, comparaison avec la Manif pour Tous

Pendant son propre quinquennat, François Hollande a, lui, dû faire face à d'autres types de mobilisations, notamment la "manif pour tous" et Nuit Debout. "C'était intéressant", se souvient-il à propos du second, avant de dresser un parallèle avec les "gilets jaunes". "C'était la volonté de s'exprimer, de dire des choses. C'était confus, mais aussi une espérance pour une vie meilleure, pour que l'argent n'impose pas ses lois." Et l'ancien président, qui semble ne pouvoir s'en empêcher, critique une nouvelle fois en creux la gestion gouvernementale de la contestation, non sans prendre quelques libertés avec la vérité : "il n'y a jamais eu de violence à Nuit Debout."

Écoutez l’analyse de la contestation Nuit Debout par François Hollande, au micro de Fabrice d'Almeida dans "Au cœur de l'histoire"

Quant à la "manif pour tous", François Hollande le rappelle : "on parle en ce moment des 'gilets jaunes', mais c'est très peu de monde par rapport aux dizaines de milliers qui ont manifesté dans les rues de Paris et d'autres villes pour dire leur opposition au mariage [gay]. Je pense que cela a été aussi une découverte : une partie de la France résistait par rapport à cette idée de progrès, d'égalité."

Enfin, la crise des "gilets jaunes" a pu donner à François Hollande une raison de sourire. "Dans le mouvement qui a suivi celui des 'gilets jaunes', certains sont arrivés à imaginer un prélèvement [sur les revenus] de l'ordre de 60%." Le socialiste, lui, avait tenté de mettre en place une taxation à 75% sur les revenus des plus aisés, avant que le Conseil constitutionnel ne retoque la mesure. Plus tard, l'avis d'Emmanuel Macron sur cette fameuse taxe avait fuité dans la presse. "C'est Cuba sans le soleil", aurait-il dit à François Hollande. Ce dernier, aujourd'hui, jubile intérieurement. "Comme quoi, il y a des idées qui se recyclent."

 

Ce récit de quasiment 1h30, en tête à tête avec Fabrice d'Almeida, est à retrouver en trois épisodes :