Face aux maires, Macron explique mais ne rompt pas

Emmanuel Macron
Emmanuel Macron s'est longuement exprimé, jeudi, devant l'AMF. © Ludovic MARIN / AFP
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Dans un long discours à l'Association des maires de France, le président de la République a assumé une politique qui n'a "pas vocation à plaire systématiquement" aux élus locaux.

Il y a eu l'art de la synthèse propre à François Hollande, il faut désormais s'accommoder de l'art de la pédagogie selon Emmanuel Macron. Le président de la République, qui s'exprimait jeudi devant l'Association des maires de France (AMF) réunie en Congrès, a appliqué dans un discours de plus d'une heure une méthode désormais bien connue. Loin du chef de l'État l'idée de reculer ou de lâcher du lest, celui-ci a tout misé sur l'explication méticuleuse de ses réformes qui, selon lui, ne sont pas ou mal acceptées surtout parce qu'elles ne sont pas ou mal comprises.

Parler pour convaincre. L'introduction de son discours, boutade qui a déclenché quelques rires, résumait bien l'objectif du président. "J'ai bien entendu votre défi, qui consiste à ne pas m'arrêter tant que je n'ai pas convaincu", a-t-il lancé aux maires. "Pour ceux qui ont eu à subir récemment mes discours, je pense que vous prenez un risque certain car il paraît qu'ils peuvent durer longtemps. En quelque sorte, vous m'infligez le supplice de Shéhérazade, qui consiste à continuer de parler pour ne pas être exécuté. Mais je peux tout à fait être Shéhérazade."

Erreurs de forme mais pas de fond. Et de fait, pendant plus d'une heure, Emmanuel Macron est revenu sur tous les points de blocage avec les élus locaux, de la suppression de la taxe d'habitation, qu'il a entièrement assumée et confirmée, même sous les huées, aux baisses de dotation pour les collectivités. Sur ce point-là, le chef de l'État a reconnu une erreur de communication. "Des mesures prises pendant l'été n'ont pas été dûment présentées, concertées, je le reconnais pleinement." Sur le fond, en revanche, pas question de fléchir : ces tours de vis sont, selon le président, absolument nécessaires au redressement des comptes publics. "J'aurais aussi pu vous dire que tout va bien, que nos finances publiques ne sont plus un problème. Ma fonction m'oblige à une chose : la cohérence, la responsabilité devant tous les Français et devant tous nos partenaires."

 

Le président a également rappelé qu'il prévoyait une "réforme ambitieuse, cohérente" de la fiscalité locale, "dont la taxe d'habitation n'est que le premier acte".

Pas de "grande transformation institutionnelle" à venir. En revanche, sur de nombreux points, Emmanuel Macron a tenu à rassurer. Et battre en brèche les inquiétudes de certains maires. "Vous ne m'avez jamais entendu parler d'une baisse du nombre de conseillers municipaux", a-t-il ainsi précisé". Sur l'organisation des collectivités territoriales, le président a promis qu'il n'y aurait "pas de nouvelle grande transformation institutionnelle" et que l'État "ne forcera pas à des regroupements de communes, ni à des modifications de la carte intercommunale". Les fusions et rapprochements éventuels de territoires (communes, mais aussi départements) se feront donc uniquement sur la base du volontariat.

Enfin, Emmanuel Macron a appuyé sur la nécessité de laisser plus d'autonomie aux maires, notamment en matière d'innovation. Une revendication de longue date des élus locaux.

Cohérence et nécessité. Comme souvent, le président a joué sur la corde sensible de son auditoire, répétant à plusieurs reprises qu'il avait "besoin" des maires, louant leur "engagement". Comme toujours, il a défendu beaucoup de déclarations et d'initiatives controversées au nom des promesses faites pendant la campagne et d'une injonction de "vérité" à laquelle il se soumettrait. "J'ai pris des engagements, j'ai dit des choses. Il m'est arrivé de dire des choses qui ne plaisaient pas", a-t-il lancé. "Ce que je vais vous dire aujourd'hui n'a pas vocation à vous plaire systématiquement. Cela a vocation en tout cas à être appliqué."

Comme un argumentaire macronien ne serait pas complet sans une opposition entre vieux et nouveau monde, le chef de l'État a conclu sur la "responsabilité du temps présent" partagée par l'exécutif et les élus locaux. "Nous ne reviendrons pas à avant 2010", a-t-il lancé. "Nous entrons dans une ère nouvelle". Une pique à l'immobilisme et une ode à l'action sont venues parachever le discours. "Nous ne sommes pas là pour faire plaisir en renonçant à faire." À en juger par la standing ovation qui a cueilli le président en lieu et place de la volée de cailloux que promettait l'AMF avant ce discours, la méthodologie fonctionne plutôt bien.