Eglises transformées en mosquée ? La réponse de Boubakeur à Sarkozy

© MEHDI FEDOUACH / AFP
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Le recteur de la Grande mosquée de Paris espère que l'appel lancé dans Valeurs Actuelles n'est "pas une manœuvre politique".

Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, avait évoqué, le 15 juin dernier sur Europe 1, la possibilité de transformer en mosquée les églises désaffectées. "C'est un problème délicat mais pourquoi pas", avait-il estimé. En réaction, plusieurs personnalités politiques et des écrivains de droite ont contre-attaqué en signant un appel pour défendre les églises, publié dans Valeurs Actuelles. Jeudi soir, Dalil Boubakeur a réagi dans L'Obs à cette initiative.

"Un dédain de ce qu'est la mémoire profonde du peuple français". "Je n'ai jamais dit que je souhaitais transformer les églises en mosquées ! C'était une conversation tout à fait impromptue et sans aucune intentionnalité, ni de ma part, ni de la part des musulmans qui, d'ailleurs, ne se placent pas du tout dans une telle perspective !", a-t-il commencé. Une mise au point que le recteur de la Grande mosquée de Paris avait pourtant déjà effectué quelques heures après sa sortie sur notre antenne. "Je sais bien qu'il a rétropédalé et je ne veux pas m'en prendre à une personnalité sûrement respectable, mais ça traduit un dédain de ce qu'est la mémoire profonde du peuple français", a néanmoins estimé Denis Tillinac, initiateur de l'appel, mercredi soir sur Europe 1.

"Les exemples en France sont rares, et ce fut  une véritable épreuve". Un peu plus loin, Dalil Boubakeur admet pourtant, "grosso modo", être d'accord avec le contenu du texte : "Je m'inscris dans cette vision, selon laquelle il faut conserver les lieux de culte dans leur destination d'origine". Et de rappeler que les quelques cas existants de transformation d'églises en mosquées ne se sont pas faites sans difficulté : "Les exemples en France sont rares, et ce fut souvent une véritable épreuve qui a coûté beaucoup plus cher aux musulmans que de construire leurs propres lieux de culte. D'ailleurs, l'expérience n'a pas été renouvelée."

Un constat partagé par Malek Chebel, anthropologue des religions et spécialiste de l'islam. "Cela répugne les musulmans de toucher ainsi à des églises ou des synagogues. C'est d'ailleurs inscrit dans le Coran : on ne doit pas le faire"

"Alimenter ce débat ne me paraît pas de nature à apaiser les tensions". Interrogé sur le véritable objectif, selon lui, de cette initiative médiatique, Dalil Boubakeur "ne veu[t] pas la voir comme une manœuvre politique. Mais, il y a certainement une espèce de sensibilité, de nervosité liée à tous les événements récents. On est dans le fantasme et l'intolérance. Il y a une crispation de la société, on dit des choses qui n'existent pas."

A droite, la présence de Nicolas Sarkozy parmi les signataires, aux cotés d'Eric Zemmour ou d'Alain Finkelkraut, a fait grincer quelques dents. "Boubakeur est revenu sur ses propos ! Alimenter ce débat ne me parait pas de nature à apaiser les tensions", a ainsi regretté son ancienne plume, le député Henri Guaino.