ÉDITO - "On se souviendra des 'gilets jaunes' comme on se souvient de Mai-68"

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Romain David , modifié à
Pour l'éditorialiste d'Europe 1 Jean-Michel Aphatie, ce mouvement de protestation inédit marque un tournant important dans l'histoire de la société française.
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Aider les fins de mois difficiles tout en maintenant le cap. Emmanuel Macron a détaillé mardi sa méthode et présenté une série de mesures pour tenter d'apaiser la gronde qui s'est mise en place après l'augmentation de la fiscalité écologique. Mais pour Jean-Michel Aphatie, le pouvoir n'a pas encore pris la mesure d'un phénomène qui pourrait ébranler la France aussi profondément que les événements de mai 1968. "Le mouvement des 'gilets jaunes' n'est pas un tournant dans le quinquennat d'Emmanuel Macron mais dans l'histoire de la société française", a-t-il soutenu mercredi, au micro de Nikos Aliagas sur Europe 1.

La question du carburant dépassé. "Le chef de l'Etat a concédé quelque chose : à défaut de supprimer les taxes prévues début janvier sur le carburant, il a expliqué qu'un mécanisme serait mis en œuvre pour essayer de contenir les prix", rappelle l'éditorialiste. Une mesure qui risque fort, selon lui, de faire cautère sur jambe de bois. "Ça ne suffit pas, parce que tout le monde comprend bien que le mouvement est passé à autre chose. C'est d'ailleurs pour saisir cette autre chose qu'Emmanuel Macron a proposé des discussions décentralisées sur l'ensemble du territoire pendant trois mois", pointe Jean-Michel Aphatie.

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Les "vies empêchées". "Il l'a fait pour que les gens parlent. Ça détend toujours l'atmosphère quand les gens parlent, et puis il réintroduit les corps intermédiaires, associations et syndicats", poursuit-il. Mais pour parler de quoi ? "Des conséquences de la transition écologique, a dit le chef de l'Etat. Mais personne ne comprend rien. De quoi parle-t-on exactement ? On ne sait pas", déplore Jean-Michel Aphatie. "Les 'gilets jaunes', eux, veulent que l'on parle d'une chose simple : des salaires qui sont trop bas, des retraites qui sont trop basses… Le chef de l'État, qui est un homme intelligent, qui est capable de synthétiser tout ça, a parlé 'des vies empêchées'. Comment fait-on pour que les 'vies empêchées' ne le soit plus ?"

Vers un étiolement du mouvement ? Pour l'éditorialiste, la situation économique de la France ne laisse qu'une marge de manœuvre infime à l'exécutif : hors de question donc de fixer le smic à 2.000 euros net par mois, comme le réclament certains "gilets jaunes". De quoi doucher de nombreux espoirs, et pourtant "on ne peut imaginer que tous les samedis se produisent ce qui s'est produit samedi dernier sur les Champs-Elysées", estime Jean-Michel Aphatie. "L'hypothèse que le mouvement des gilets jaunes s'étiole dans l'amertume et la rancœur est très forte", ajoute-t-il.

Toutefois, "c'est une prise de parole [...] qui va imprimer sa marque pendant longtemps". Et notre éditorialiste de conclure : "on se souviendra des 'gilets jaunes' comme on se souvient de Mai-68, il y a 50 ans, mais pour des raisons plus sombres hélas."