ÉDITO - Gilets jaunes : "Le gouvernement vit dans la peur d’un dérapage, l’angoisse d’un débordement”

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Nicolas Beytout, édité par Benjamin Bonneau
Les "gilets jaunes" seront de retour dans la rue, samedi. Et ce sera aussi le retour de l'inquiétude dans les rangs du gouvernement, explique notre éditorialiste Nicolas Beytout.

Les "gilets jaunes", qui peinent à mobiliser depuis des mois, ont battu le rappel des troupes pour le premier anniversaire du mouvement social ce week-end. Et d’après notre éditorialiste Nicolas Beytout, ce n’est (vraiment) pas une bonne nouvelle pour le gouvernement.

"Oui, en surprenant tout le monde par son côté imprévisible, spontané, spontanéité qui s’est vite transformée en un étrange mélange de désorganisation et de d’organisation. Organisation grâce aux réseaux sociaux qui ont fonctionné comme outils de connexion pour gérer les ronds-points, les blocages et les manifestations ; et puis désorganisation chaque fois qu’il s’est agi de trouver des porte-paroles ou des représentants du mouvement. Tout ça est donc devenu vite ingérable, personne n’encadrant personne, à part quelques groupuscules, très disciplinés et entraînés, eux. Le résultat, c’est qu’il a fallu des mois au gouvernement et à Emmanuel Macron pour reprendre le contrôle de la situation. 

Dans ces conditions, est-ce qu’on peut prévoir ce qui peut se passer ce week-end ? Beaucoup de manifestations sont annoncées…

Effectivement, mais difficile de dire avec certitude si la mobilisation sera forte. Les dernières fois qu’une grande manif avait été annoncée, les “gilets jaunes” ont fait un flop. Alors, est-ce que ce premier anniversaire les motivera davantage ? Suspense. La conséquence de ce brouillard, ce côté insaisissable du mouvement, c’est que le gouvernement vit désormais avec la peur. La peur d’un dérapage, l’angoisse d’un débordement. A deux reprises, l’an dernier, le pouvoir a frôlé la catastrophe. La première, c’était à Paris lorsque des “gilets jaunes” se sont approchés tout près de l’Élysée. La seconde, c’était à la préfecture incendiée du Puy-en-Velay, lorsque des manifestants ont coursé la voiture d’Emmanuel Macron qui venait de rendre visite aux fonctionnaires qui avaient failli mourir, brûlés vifs dans la préfecture de la ville.

Et, selon vous, cette peur est toujours là ?

Pas la peur physique, non, mais la crainte que tout ça recommence, que ça reparte en vrille, a fortiori dans un contexte de tension sociale et de grèves assez dures C’est (disons) une peur politique, qui semble s’être logée dans la tête de beaucoup de ministres, de parlementaires, de hauts-fonctionnaires. Et qui freine ou paralyse même parfois l’action du gouvernement. C’est d’autant plus rageant qu’on ne sait plus très bien ce que revendiquent les “gilets jaunes”.

Le mouvement était parti sur un ras-le-bol des taxes sur le diesel, et une question de pouvoir d’achat…

Oui, avec le fameux "Qu’est-ce que vous faites du pognon des Français ?" de Jacline Mouraud, la première figure des “gilets jaunes”. Mais depuis, ce sont 17 milliards d’euros qui ont été distribués aux Français, en particulier aux plus modestes. Jamais un gouvernement n’a lâché autant de pouvoir d’achat ! Tout n’a pas été résolu, mais tout de même. Et pourtant, il reste un malaise, un mal-être diffus, une colère parfois. Au-delà de ce qui peut se passer ce week-end, il est là, le principal défi que doit relever Emmanuel Macron."