Dominique Rousseau : "Le problème des référendums pour convenance personnelle, c'est qu'il reviennent en boomerang"

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A.D
Pour le constitutionnaliste, le référendum n'est plus l'illustration de la démocratie, notamment parce que leur résultat est contourné par le pouvoir en place.

Brexit, Notre-Dame-des-Landes... Deux référendums et, pourtant, une absence de satisfaction, voire des regrets. Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, était l'invité de David Abiker dans C'est arrivé cette semaine. Il explique ce dérèglement démocratique.

"Le problème des référendums pour convenance personnelle, c'est qu'ils reviennent en boomerang", tacle Dominique Rousseau. Il l'explique pour le Brexit : David Cameron, le Premier ministre britannique, "n'a pas organisé le référendum pour connaître l'opinion du peuple sur l'adhésion à l'Europe mais pour des raisons de tactique interne". Résultat, même les partisans du Brexit, tel Boris Johnson, sont en train de "pédaler, freiner, pour tout faire pour que le départ soit le plus tard possible et change le moins de choses possibles."

"On ne joue pas avec le référendum". Reste alors la solution d'un nouveau référendum, un chemin déjà emprunté par le passé par le Danemark et l’Irlande. "Ce n'est pas sérieux, on ne joue pas avec le référendum", glisse le constitutionnaliste. Quant au référendum local de Notre-Dame-des-Landes et le "oui" à l'aéroport, il n'apporte pas plus de clarté à la situation. "Dans la question du référendum, il faut distinguer trois temps : avant, pendant et après. L'avant, c'est le problème de la question à poser : ici le transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes. Or la question est erronée puisqu'il est prévu que Nantes-Atlantique conserve une partie du transport. L’avant ne permet donc pas de clarifier. Avec le pendant, les campagnes n'ont pas permis d'avoir un échange raisonné sur les avantages et les inconvénients mais ont mis en avant des arguments qui visent les tripes, l'émotion. Le vote ne fait plus lien politique."

Ni référendum, ni 49-3. Aujourd'hui, selon le spécialiste, quel que soit le vote - présidentiel, législatif, référendum -, "il y a des promesses et on fait une autre politique. Nous avons une crise de la démocratie parce qu'elle se définissait jusqu'alors par sa source, l'origine du pouvoir, le vote. Or aujourd'hui, les gens se méfient du vote parce que ceux qu'ils ont élu les trahissent".

Selon lui, ni le référendum, ni le 49-3 - synonyme de "pas de débat" - sont des solutions. "Il faut aller rechercher la légitimité dans le mode d'exercice du pouvoir. Ce qui fait la qualité d'une démocratie, c'est la manière dont le pouvoir est exercé." Ce qu'il faut privilégier alors ? "Des débats, des conseils communautaires" pour une démocratie locale qui pourrait inspirer et se propager aux plus hautes sphères.