Comment les parlementaires vont se pencher sur l'affaire Benalla

Une commission parlementaire va être mise en place à l'Assemblée nationale (photo d'illustration), et une autre au Sénat.
Une commission parlementaire va être mise en place à l'Assemblée nationale (photo d'illustration), et une autre au Sénat. © Thomas SAMSON / AFP
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avec AFP , modifié à
Au sein de l'Assemblée nationale et du Sénat, deux commissions distinctes vont enquêter dans les prochains jours sur les accusations de violences qui visent un collaborateur d'Emmanuel Macron.  

Jusqu'ici, Alexandre Benalla n'avait été sanctionné qu'en interne : soupçonné de violences sur des manifestants en marge d'une opération de police le 1er mai, le collaborateur d'Emmanuel Macron avait été suspendu pendant deux semaines, et affecté à des missions de moindre importance. Mais depuis l'éclatement de l'affaire, rendue publique par Le Monde, mercredi, la perspective de nouvelles investigations pourrait changer la donne dans ce dossier. La justice a ouvert une enquête préliminaire, notamment pour violences en réunion et usurpation de fonctions. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie par le ministre de l'Intérieur. Côté politique, enfin, les deux assemblées devraient s'emparer du dossier.

Une commission à l'Assemblée, une autre au Sénat

Jeudi, alors que la polémique enflait après les révélations du Monde, les députés de l'opposition ont réclamé que la commission des lois de l'Assemblée nationale se dote des prérogatives d'une commission d'enquête dans le cadre de l'affaire Benalla. Dans un premier temps rejetée par LREM, cette demande a finalement été acceptée dans la soirée, sur proposition du président François de Rugy, avec l'accord de tous les présidents de groupe. La commission, co-présidée par Yaël Braun-Pivet (LREM) et Guillaume Larrivé (LR) aura pour champ d'enquête "les événements survenus en marge de la manifestation parisienne du 1er mai 2018". Son calendrier de travail doit être fixé vendredi soir et devrait prévoir des auditions dès le début de la semaine. Plusieurs députés ont notamment fait part de leur souhait d'interroger le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. "L'Assemblée nationale s'est saisie du sujet en un temps record. nous n'avons pas voulu jouer la carte du renvoi à plus tard", a commenté François de Rugy. "C'est du jamais vu dans l'histoire de l'Assemblée nationale", a-t-il insisté. 

Présidée par Philippe Bas (LR), la commission des lois du Sénat, elle, auditionnera Gérard Collomb mardi à 17h45. Cette audition sera ouverte au public et à la presse, dans la limite des places disponibles. Dès vendredi matin, la commission des lois avait annoncé qu'elle demanderait lundi les prérogatives d'une commission d'enquête, pour une durée de six mois, afin de mener une mission sur l'affaire Benalla. Ses auditions qui se dérouleront à huis clos "débuteront dès le mardi 24 juillet après-midi". "Ils entendront le préfet de police de Paris, le directeur général de la police nationale, le chef du service de la protection, les représentants des organisations professionnelles de policiers, le Défenseur des droits et toute personne susceptible d'apporter des informations utiles", a-t-elle indiqué dans un communiqué.

 

Le Président et le Premier ministre peuvent-ils être entendus ? Au nom du principe de séparation des pouvoirs, le Président de la République ne peut pas être entendu par les commissions parlementaires. Les députés de l'opposition ont en revanche réclamé vendredi que le Premier ministre Édouard Philippe s'exprime devant l'Assemblée. "Selon l'article 49 de la Constitution, le gouvernement est responsable devant le Parlement", a rappelé le président du groupe LR Christian Jacob.  De son côté, le président du groupe PS Patrick Kanner a demandé que le Premier ministre "vienne s'exprimer au plus vite devant le Sénat" pour répondre aux questions que se posent les sénateurs sur cette affaire. La présidente du groupe CRCE (à majorité communiste) Éliane Assassi a fait une demande similaire.

Comment ça marche ?

Une commission d'enquête parlementaire permet aux députés ou aux sénateurs de recueillir des informations sur des faits précis concernant la gestion d'un service public, la gestion d'une entreprise ou une question de société, précise le site Vie publique. Autrement dit : elle permet au politique de se saisir d'un fait qui fait ou a fait l'actualité. Par le passé, de telles structures ont ainsi enquêté sur l'état des prisons, la gestion de la crise sanitaire de la grippe A ou encore l'avenir de l'industrie sidérurgique.

Ces commissions comportent des parlementaires de tous les groupes, dans la limite de 30 députés et de 21 sénateurs. Elles peuvent durer six mois au maximum et bénéficient de pouvoirs particuliers : obligation de répondre à leurs convocations, auditions sous serment, et possibilité de rendre les interrogatoires publics. Des poursuites pénales peuvent être menées en cas de non-respect de ces obligations. Des ministres ou anciens ministres sont régulièrement auditionnés : en 2003, cela avait notamment été le cas du ministre de la Santé Jean-François Mattei après la canicule.

Dans l'affaire Benalla, François de Rugy a informé les présidents de groupe que le Premier ministre "s'est engagé à remettre au président de l'Assemblée le rapport de l'IGPN quand il sera achevé", vraisemblablement à la fin de la semaine prochaine.

À quoi servent les résultats de ces enquêtes ?

Les rapports de ces commissions sont publiés, sauf si l'assemblée s'y oppose, et peuvent donner lieu à un débat sans vote dans l'hémicycle. Ils sont souvent accompagnés de recommandations, et parfois d'une proposition de loi.

Reste que les commissions d'enquête ne sont pas autorisées à travailler sur des faits faisant l'objet de poursuites judiciaires : en l'espèce, le travail des deux structures de l'Assemblée et du Sénat ne devra pas empiéter sur celui mené par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, désignée par le parquet de Paris. Cela avait également été le cas dans l'affaire Cahuzac : une commission s'était penchée sur la gestion de l'affaire par l'exécutif mais pas sur la fraude fiscale à proprement parler, pré carré de la justice.