Jean-Pierre Le Goff était l'invité d'Europe 1, jeudi matin. 5:01
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Margaux Lannuzel , modifié à
Invité d'Europe 1, jeudi matin, le philosophe et sociologue Jean-Pierre Le Goff, auteur de "La société malade" (Ed. Stock), a expliqué pourquoi la France était, selon lui, "désarmée matériellement mais aussi culturellement" au moment où elle a été frappée par la crise du Covid-19. 
INTERVIEW

Un an après le début de la crise du Covid-19, l'heure est aux premiers bilans sur le plan de la gestion concrète de la pandémie, mais aussi de ce qu'elle a révélé du fonctionnement de notre société. C'est l'objet du dernier essai de Jean-Pierre Le Goff, La société malade (Ed. Stock). Invité d'Europe 1, jeudi matin, le philosophe et sociologue est revenu sur un épisode qui a, selon lui, "désarmé" une France qui avait mis certains sujets de côté.  

Une France "divisée" et "morcelée" face à la crise

"Désarmée", la société ne l'était "pas seulement matériellement, avec un manque de moyens" à l'hôpital, par exemple, mais aussi "culturellement", selon Jean-Pierre Le Goff. "On avait mis le tragique et la mort hors-champ, on n'en discutait pas, on faisait perdurer un certain nombre de rituels", explique-t-il. Ce modèle a été "débordé" par la crise, selon le sociologue. 

Face à cela, la France n'a pas connu une réaction unitaire mais "divisée, morcelée", affirme-t-il. "Ceux qui ne sont pas concernés disent qu'il ne se passe pas grand-chose, y compris dans les services d'urgence. On n'a pas vécu les choses de la même façon selon que l'on était concerné ou pas."  

"L'impression d'une répétition mortifère" de l'information

Ce qu'ont eu en commun tous les Français au cours de cette année, ce sont leurs vecteurs d'information, poursuit Jean-Pierre Le Goff. Une information en continu par les médias, qui a pu donner "l'impression d'une répétition mortifère", selon lui. "Surtout quand on ne connaît pas grand-chose : on discute beaucoup, on débat, alors qu'on ne sait vraiment pas exactement comment ça peut évoluer. C'est un monde extrêmement chaotique et ça nous pose un problème de société, dans la mesure où l'événement tragique nous arrive à travers ce filtre. C'est une pandémie anxiogène et bavarde."

Le sociologue se montre aussi très critique à propos de la gestion politique de la crise, évoquant notamment le rôle du Conseil scientifique mis en place dès le début de la pandémie. "Ils s'occupent de choses étonnantes, comme la manière dont on met les cadavres dans des sacs en plastique. Ça n'est pas simplement la dimension strictement médicale ou scientifique, il y a des avis qui sont donnés qui vont bien au-delà, qui engagent une conception de la condition humaine."

"Or il faut savoir que dans le Comité scientifique, il n'y avait pas de philosophe, il n'y avait pas de représentant des courants religieux", pointe Jean-Pierre Le Goff. "Le pouvoir politique s'en est un peu émancipé, et ça, je m'en réjouis."