Après le drame de Magnanville, la droite ressort l'arme de la détention préventive

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Margaux Baralon
La proposition de mettre en rétention, par précaution, des individus fichés S pour islamisme les plus dangereux, fait pourtant débat au sein même des Républicains.

Elle l'avait déjà fait après les attentats du 13 novembre. L'assassinat d'un couple de policiers à Magnanville, lundi soir, par un individu fiché S, a poussé à la droite à répéter sa demande. L'opposition a en effet dégainé sa proposition de centre de rétention pour les individus fichés S pour radicalisation islamiste. Mais tous les Républicains ne sont pas sur la même longueur d'onde.

Détention préventive pour 1.000 fichés S. Dès mardi, le député Eric Ciotti a interpellé Manuel Valls lors des questions au gouvernement à l'Assemblée sur le sujet. "Pourquoi ces personnes sont laissées en liberté, alors qu'elles sont connues, identifiées, placées sous écoute ?" a-t-il demandé à propos des fichés S pour radicalisation islamiste. "Nous vous demandons leur placement dans des centres de rétention administrative." L'élu des Alpes-Maritimes a précisé ne vouloir appliquer cette détention préventive qu'aux "1.000 personnes qui représentent une dangerosité importante" sur les quelque 11.000 fichés S pour islamisme. Et a déposé une proposition de loi en ce sens avec le porte-parole de LR, Guillaume Larrivé, et le président du groupe à l'Assemblée, Christian Jacob.

"Une vraie loi d'exception". Le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a quant à lui rappelé, mercredi sur BFM TV, qu'il réclamait "de vraies mesures prises sur ces personnes fichées S" depuis "sept mois". L'élu a prôné une "vraie loi d'exception" pour "tous ceux qui sont suspects de rapprochement avec les activités terroristes". "Pour moi, il n'y a qu'une seule ligne : ces gens-là, soit ils sont enfermés, soit ils sont expulsés". Aux lendemains des attentats du 13 novembre, Laurent Wauquiez avait déjà fait la même requête auprès du gouvernement.

L'exécutif ne veut pas en entendre parler. Ces appels à la rétention préventive des fichés S pour radicalisation islamiste n'ont rencontré aucun écho au gouvernement. "Nous sommes prêts à examiner toutes les propositions, mais aucune qui met en cause l'État de droit", a répondu Manuel Valls à Eric Ciotti, mardi. "Le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la démocratie, c'est l'État de droit." Le lendemain, le Premier ministre s'est montré tout aussi ferme sur France Inter. "Vouloir confondre mesure de surveillance et mesures d'enfermement est dangereux. Il ne faut pas inventer une mesure à chaque fois."

Contraire à la Constitution. L'exécutif est d'autant plus prudent qu'il sait que le Conseil d'État, saisi de la question après les attentats du 13 novembre, a rendu, en décembre, un avis défavorable. "En dehors de toute procédure pénale, la détention de personnes présentant des risques de radicalisation est exclue sur le plan constitutionnel", a-t-il estimé. "Au plan conventionnel, elle l'est également." Sans condamnation en bonne et due forme, donc, le Conseil d'État exclut toute mesure de rétention.

La droite divisée. Chez Les Républicains, certains tentent d'ailleurs de calmer les ardeurs de leurs collègues. C'est le cas de François Fillon, candidat à la primaire de la droite, qui s'est exprimé mercredi sur Europe 1. "Il ne faut pas créer de Guantanamo en France, il ne faut pas mettre dans des cams de rétention des milliers de personnes sans aucun discernement. Ce n'est pas la solution", a-t-il déclaré. Henri Guaino, lui aussi, a appelé à "garder son sang-froid". "On ne peut pas mettre tout le monde en centre de rétention, on ne peut pas considérer a priori que des dizaines de milliers de personnes doivent être enfermées, ce n'est pas possible", a-t-il rappelé sur LCI. "Si n'importe qui peut être incarcéré n'importe comment, nous allons quitter l'État de droit, nous allons quitter la société de liberté individuelle. Il faut raison garder."