Syrie : les "certitudes" d’Ayrault face à un Parlement divisé

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Rémi Duchemin, avec AFP , modifié à
Le Premier ministre a défendu à l’Assemblée le principe d’une intervention. L’opposition reste sceptique.

"Le plus terrifiant usage de l'arme chimique". Jean-Marc Ayrault a ouvert avec gravité mercredi à 16 heures le débat parlementaire sur une éventuelle intervention française en Syrie, après l’attaque à l’arme chimique sur des civils, le 21 août dernier. "Aux premières heures du 21 août, à quelques kilomètres du centre de Damas, près de 1.500 civils, dont des centaines d'enfants sont morts asphyxiés par le régime syrien, dans ce qui constitue, en ce début du siècle, le plus massif et le plus terrifiant usage de l'arme chimique", a déclaré le Premier ministre, avant de réaffirmer les "certitudes" de l’exécutif sur l’origine de l’attaque, perpétrée par le régime de Bachar al-Assad.

Une "action légitime, collective et réfléchie". "Le président de la République a fait le choix de l'action. Le choix d'une action légitime, d'une action collective, d'une action réfléchie", a ensuite affirmé Jean-Marc Ayrault, anticipant les critiques de l’opposition. Le Premier ministre a aussi réaffirmé que la France "n'agira pas seule et joindra ses efforts à ceux d'autres partenaires, à commencer par les Etats-Unis". "Nous comptons également, a-t-il dit, sur le soutien des Européens et des pays de la région, notamment au sein de la Ligue arabe."

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Le "triple refus" de l’UMP. S’exprimant après Jean-Marc Ayrault, Christian Jacob, patron des députés UMP, a ensuite exposé les doutes de l’opposition sur cette intervention. "La France peut-elle sérieusement, sans aucun allié européen, se lancer tête baissée dans une aventure de la sorte ? Nous ne le pensons pas", a lancé le député de Seine-et-Marne. "François Hollande a convoqué le Parlement avant d'avoir pris quelque décision que ce soit. Qu'il ne s'étonne pas de se voir réclamer un vote. Avec cette convocation à contre-temps, il a pris le risque d'affaiblir la fonction présidentielle qui ne s'accommode pas d'indécision, d'atermoiement et de suivisme", a-t-il poursuivi.

Le président du groupe UMP a conclu en opposant un triple refus à l’intervention voulue par François Hollande. "C'est le coeur lourd au regard de la cause qui pourrait justifier une riposte que nous exprimons trois refus : refus d'une action strictement militaire sans buts réels de guerre au-delà d'un coup de semonce ou d'une punition; refus surtout d'une intervention isolée sans légitimité internationale; refus enfin d'un renoncement, voire à certains égards d'un reniement de notre politique étrangère".

"Sans une coalition très large…" Jean-Louis Borloo a lui insisté sur l’éventuelle illégalité d’une intervention. "La France a toujours choisi la légalité internationale et l'action collective. Peut-elle aujourd'hui s'en exonérer, sans mandat du Conseil de Sécurité de l'ONU, sans aucun autre pays européen ou si peu, sans l'engagement total de la Ligue arabe?", s’est interrogé le président de l’UDI. "Sans une coalition très large, sans la protection totale de nos compatriotes et de nos intérêts, sans un soutien d'un certain nombre d'Européens, sans l'accord de la Ligue arabe, sans un soutien de l'ONU soit par le Conseil de sécurité, soit par l'Assemblée générale en vertu de la résolution 377, et avant tout rapport validé par l'ONU, des frappes ne nous semblent pas possibles", a-t-il jugé.

"Des réflexes de politique intérieure". Pour le groupe socialiste, le scepticisme exprimé par l’opposition n’est que le fruit de calcul politicien. "Le débat sur une meilleure association du Parlement y compris par le recours au vote de l’Assemblée Nationale n’est pas un tabou comme l’a dit le Premier ministre, il ne doit pas non plus servir de prétexte commode pour ceux qui voudraient ne parler que de la forme", a lâché son président, Bruno Le Roux, qui a défendu la position gouvernementale. "Les affaires qui touchent à la sécurité du monde ne peuvent se traiter avec les réflexes de politique intérieure", a insisté le député de Seine-Saint-Denis.