Istanbul 1280 3:04
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La presse turque n'a pas manqué de faire le parallèle entre François Fillon, rattrapé par les affaires, et le président Erdogan, mis en cause en 2013 dans un scandale de corruption.

L’élection présidentielle française intéresse de très près la Turquie, et d’autant plus que la diaspora turque de France est l’une des plus importantes d’Europe après celles fixées en Allemagne et en Bulgarie. Emre Demir, journaliste turc, revient au micro d’Europe 1 sur les grands thèmes de l’élection qui captent l’intérêt de part et d’autre du Bosphore.

Quelle est le candidat le plus suivi par la presse turque ?

"Marine Le Pen est la candidate la plus suivie en Turquie. Ses discours contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, contre l’immigration, contre l’islam sont tout de suite traduits en Turquie et ont beaucoup d’échos. Son statut de favorite [au premier tour, ndlr], crée une certaine inquiétude chez les Turcs car pour les Turcs, surtout les opposants, la victoire de Marine Le Pen signerait la fin de l’Europe telle que nous la connaissons".

La question d'une adhésion à l’Union européenne, de plus en plus remise en cause par la politique d’Erdogan, est-t-elle toujours une préoccupation pour les Turcs ?

"Pour les opposants du régime actuel, l’Europe représente le dernier rempart contre les dérives autoritaires du président turc. C’est pour cela qu’une Europe représentée par Marine Le Pen fait peur chez les opposants. Mais l’inquiétude est encore plus vive chez les jeunes Français d’origine turque, qui se sentent directement concernés par les mesures de Marine Le Pen. […] Les Turcs de France votent généralement à droite, mais l’on voit aujourd’hui beaucoup de Turcs de France voter Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon".

La presse turque s’est-elle intéressée aux affaires qui ont plombé la campagne ?

"Le PenelopeGate passionne la presse turque. Surtout la réaction de monsieur Fillon face aux accusations. Il a dénoncé un coup d’Etat institutionnel, ses proches ont dénoncé un coup d’Etat des juges. Ça sonne particulièrement familier chez nous car, fin 2013, trois mois avant les élections, Erdogan, Premier ministre à l’époque, se retrouve avec ses proches sur le banc des accusés dans un vaste scandale de corruption. Les observateurs ont annoncé la fin de l’ère Erdogan, mais il a sorti de son chapeau un truc : il crie au complot des juges qui veulent renverser le gouvernement, qui sont contre la volonté nationale. Ça paye, et il gagne les élections avec un score beaucoup plus important que prévu. François Fillon, aujourd’hui, accuse les juges d’utiliser le pouvoir d’Etat à des fins politiques. La question qui se pose : ça a marché chez nous, mais est-ce que ça peut marcher en France ?"