Le fondateur d'Emmaüs nous a quittés

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L'abbé Pierre s'est éteint lundi à 5h25 au Val-de-Grâce. Né le 5 août 1912 à Lyon, il fut résistant pendant la Seconde guerre mondiale puis député. Il avait fondé en 1949, l'association Emmaüs qui vient en aide aux déshérités et aux sans-abri. L'abbé Pierre restera surtout célèbre pour son appel à l"insurrection de la bonté", lancé le 1er février 1954 à la radio, au cours d'un hiver particulièrement rigoureux.

L'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, cinquième enfant d'une famille aisée, son père était négociant en textile à Lyon, avait passé ses premières années au Mexique, où ses parents étaient allés chercher fortune. Il a 14 ans lorsque la vocation le saisit. Il décide de se faire moine franciscain et d'abandonner la vie confortable à laquelle il était promis. Il refusera d'ailleurs sa part d'héritage et troquera son uniforme scout contre la robe de moine, devenant frère Philippe pendant six ans, de 19 à 25 ans. Mais il supporte mal physiquement et psychologiquement la règle de l'austère monastère franciscain de Saint-Etienne qui l'a accueilli et rejoint à contrecoeur la vie extérieure. Son destin prend un nouveau tournant quand il s'engage dans la Résistance, dont il sera un des héros. Il est aumônier, mais fabrique de faux papiers, imprime des feuilles clandestines, aide des juifs à se cacher et rencontre le chef de la France Libre, le général Charles de Gaulle, en 1943 à Alger. Après la Seconde Guerre mondiale, il fait un détour par la politique et devient député chrétien-démocrate (MRP) de Meurthe-et-Moselle (1945-51). Entre-temps, il s'est installé à Neuilly-Plaisance, en banlieue parisienne, dans une propriété en ruine qu'il remet en état. C'est là qu'un jour de 1949, Georges, un ancien détenu, frappe à sa porte. Ce sera l'amorce du mouvement d'Emmaüs. "Je ne possède rien, mais si tu veux m'aider, nous pourrons en aider beaucoup d'autres", lui dit l'abbé Pierre, qui n'a alors pour seule ressource que son indemnité de député. Le mouvement des communautés Emmaüs, qui récupèrent des objets, les réparent et les revendent pour venir en aide aux exclus, a essaimé partout en France et dans près de 40 pays. Ces communautés accueillent aujourd'hui en France près de 4.000 "compagnons". Mais l'abbé Pierre restera surtout célèbre pour son appel lors de l'hiver 54, un hiver particulièrement froid et meurtrier. Le 1er février 1954, il lançait un appel vibrant afin que chacun aide les sans-abri. Le lendemain, la presse titra sur "l'insurrection de la bonté". L'appel rapportera 500 millions de francs en dons. Cet épisode célèbre de sa vie sera porté en 1989 à l'écran par Denis Amar, "Hiver 54". Quarante ans plus tard, alors qu'il est revenu sur le devant de la scène pour dénoncer "le chancre de la pauvreté", il lance sur les ondes un deuxième appel aux Français en faveur des 400.000 sans-abri, et pour défendre le droit au logement pour tous. Lors d'une de ses dernières apparitions en public, il y a un an, il était allé à l'Assemblée nationale pour inviter les députés à ne pas toucher à un article de loi qui oblige toutes les communes à construire au moins 20% de logements sociaux. Sa personnalité était cependant plus complexe qu'il n'y paraît. En 1996, il commet ainsi l'un de ses rares impairs publics en apportant son soutien au philosophe Roger Garaudy, auteur d'un livre niant l'existence de la Shoah. Cible de vives critiques, l'abbé Pierre retirera ses propos mais ne perdra rien de sa popularité. Dans un petit ouvrage publié en 2005, "Mon Dieu ... pourquoi ?" il aborde en toute liberté des sujets polémiques. Il dit ainsi connaître des prêtres qui vivent en concubinage avec une femme, se prononce pour l'ordination des femmes et confesse avoir brisé" son voeu de chasteté "de manière passagère".