Le FN joue la prudence face au mouvement Pegida

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Louis Hausalter , modifié à
Les manifestations anti-islam en Allemagne de l'Est pourraient-elles donner des idées aux dirigeants frontistes ? Rien n'est moins sûr.

Des dizaines de milliers de personnes qui, depuis la mi-octobre, descendent chaque semaine dans la rue pour protester contre "l'islamisation" de la société et l'afflux de réfugiés en Allemagne. Le mouvement Pegida, qui agite notamment la ville de Dresde, aurait de quoi réjouir le Front national, toujours prompt à dénoncer le "fondamentalisme islamique" et une immigration qui "fonctionne toujours à plein". Des propos encore prononcés par Marine Le Pen dans ses vœux du 31 décembre.

Philippot Florian AFP 1280

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Discours virulent. Lundi, la présidente du FN en a d'ailleurs remis une couche. Invitée à réagir au nouveau roman de Michel Houellebecq, dans lequel l'écrivain décrit une France dirigée par le leader d'un parti musulman en 2022, Marine Le Pen a jugé sur France Info que cette fiction "pourrait un jour devenir réalité". Son numéro 2, Florian Philippot (photo), a renchéri mardi : "si on continue dans la dérive communautariste, inévitablement émergera un parti politique communautaire en France", a-t-il déclaré au Figaro. "Aujourd'hui, le fondamentalisme religieux le plus vivace et le plus dangereux en France, il est islamiste".

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La virulence à l'égard de l'immigration et de l'islamisme reste donc plus que jamais prégnante dans le discours frontiste. FN, Pegida, même combat ? Cela semble plus compliqué que cela. Les cadres frontistes restent discrets sur le sujet : pas une déclaration sur Pegida ces derniers temps, et pas un mot sur le site officiel du parti. Très friand de communiqués envoyés aux rédactions sur tous les sujets, le FN ne s'est jamais exprimé sur ce mouvement né depuis trois mois.

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"Il faut s'en méfier". "Le débat soulevé par Pegida est très important. Il existe une radicalisation en France aussi, sous la forme notamment de cas individuels, de djihadistes autonomes qualifiés de déséquilibrés", souligne Ludovic de Danne, conseiller de Marine Le Pen (photo) pour les affaires européennes, contacté par Europe 1. Pour autant, "quelque chose comme Pegida ne peut pas se substituer à un parti politique", insiste-t-il. "Et il faut s'en méfier au niveau français, surtout s'il se situe dans une logique de choc des civilisations, ce qui n'est pas notre discours".

"Pegida est un mouvement très diffus, dans lequel il y a un peu de tout. Il trouve un écho en Allemagne, où il n'existe pas d'extrême droite structurée et incarnée", explique Werner Zettelmeier, du Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine. "Au contraire, le FN est un parti structuré, avec un appareil et des traditions. Il n'a pas besoin de s'appuyer sur Pegida car il est déjà bien implanté dans le paysage politique français".

"L'intention du FN n'est pas de devenir Pediga", confirme Ludovic de Danne. "Nous sommes un vrai parti structuré, avec 30% d'intentions de votes, nous ne nous contentons pas d'un discours sur l'islamisme : on aborde d'autres thématiques très importantes aussi".

Une importation en France ? Pediga pourrait-il faire des émules en France ? Le groupuscule anti-islam Riposte laïque, soutenu par la Ligue de défense juive, a appelé à un rassemblement similaire le 18 janvier, rapporte L'Express. Le président du petit parti Siel, Karim Ouchikh, également conseiller de Marine Le Pen et administrateur national du Rassemblement Bleu Marine, soutient la démarche à titre personnel. "L'objectif, c'est un pendant français de Pegida, qui serait une réponse à l'angoisse identitaire", explique-t-il à Europe 1. "Au Siel, nous regardons ce mouvement avec bienveillance". Mais au sein du FN, personne n'a encore annoncé sa participation. "Je souhaite que le FN s'exprime sur la question, mais je comprendrais qu'il s'en tienne à l'écart", poursuit Karim Ouchikh.

"Je ne pense pas qu'il y ait des consignes à ce sujet", explique de son côté Ludovic de Danne. En tout état de cause, Marine Le Pen ne devrait pas s'en mêler. "Elle est présidente du premier parti de France, qui s'attaque déjà à ce problème, je ne pense pas qu'elle doive s'associer à des initiatives spontanées", affirme son conseiller. Comme à l'époque de la Manif pour tous, dont elle n'avait pas rejoint les rangs il y a deux ans, Marine Le Pen joue la prudence face aux mouvements autoproclamés apolitiques. Pas si antisystème que ça.