La loi anti-prostitution suédoise permet-elle de lutter contre les réseaux mafieux ?

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Kim Biegatch et Laurent Guimier
FACT-CHECKING - Pascal Cherki affirme qu’en Suède, la pénalisation des clients a fait reculer la prostitution. Vrai ou faux ?

LA PHRASE - La proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées doit commencer à être examinée ce mercredi soir. Depuis plusieurs jours, les députés de droite comme de gauche s’affrontent sur le sujet. Du côté du PS, le député de Paris Pascal Cherki dégaine son argument fétiche : en Suède, la pénalisation des clients fonctionne.

Au micro du journaliste d’Europe 1 Ludovic Fau, il affirme que "ce que disent les autorités suédoises, c’est que la position abolitionniste – donc, par voie de conséquence, la réforme de pénalisation du client - a fait reculer la prostitution. Laquelle ? Celle qu’on veut combattre, celle des réseaux organisés".

>> Dans sa chronique, Laurent Guimier revient sur cette déclaration :

L’appartement témoin des anti-prostitution. La Suède est régulièrement citée en exemple par les abolitionnistes. Et pour cause : il y a 14 ans, elle était le premier pays à faire voter une loi qui pénalise les clients de prostituées.

Des résultats mitigés. Ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est que la prostitution de rue a diminué. La raison principale vient du fait que les clients ont eu peur de se faire attraper. Selon les statistiques officielles, 300 Suédois sont interpellés chaque année. Ils sont alors passibles d’une amende mais pas d’une peine de prison. Les statistiques estiment que la moitié des prostitués femmes et hommes ont disparu des rues de Stockholm grâce à cette loi.

Mais pas moins de prostitution. S’il y a moins de prostitués dans la rue, aucune donnée officielle fiable ne permet de dire que l’exemple suédois a fait baisser les chiffres de la prostitution. C’est là tout le problème. Les prostituées se sont déplacées sur internet via les petites annonces et elles exercent désormais dans les hôtels. Mais il n’est pas possible d’affirmer comme Pascal Cherki que les mafias de la prostitution ont déserté la Suède.

Effets pervers. La rapporteure suédoise chargée de la lutte contre la traite des êtres humains affirmait il y a quelques semaines au quotidien Le Monde que "l’essentiel de la prostitution n’est pas dans la rue. Aujourd’hui sur les chiffres nous n’avons pas de réponse", concluait-elle. Plus grave, en juillet 2012, un rapport des Nations Unies sur le Sida estimait que la prostitution était devenue clandestine, plus violente et entièrement contrôlée par des proxénètes.

ALORS VRAI OU FAUX ? Si elle est devenue moins visible, la prostitution n’a pas pour autant disparu en Suède.