La faillite d'Air Lib devant la justice

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Jean-Charles Corbet, ancien P-DG d'Air Lib, et six autres personnes sont jugés depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris dans l'enquête sur la faillite de la compagnie aérienne en 2003. Dès le premier jour d'audience, Jean-Charles Corbet a nié toute malversation et s'est dit de bonne foi. Le procès doit durer jusqu'au 20 juin.

C'est le procès d'une catastrophe industrielle qui vient de s'ouvrir à Paris. Air Lib, qui était alors la deuxième compagnie française, a été mise en liquidation en février 2003. Sa déconfiture a entraîné la suppression de 3.200 emplois. Jean-Charles Corbet, 54 ans, poursuivi depuis juillet 2003, est jugé pour "abus de biens sociaux et abus de confiance", délits pour lesquels il encourt jusqu'à cinq ans de prison. Comparaissent aussi devant le tribunal l'avocat et ami de l'ex-P-DG, Yves Leonzi, l'homme d'affaires néerlandais Erik de Vlieger, auteur d'une proposition de reprise avortée de la compagnie et la banque canadienne CIBC, intervenue dans diverses opérations suspectes. Les autres prévenus sont David Mongeau, ancien dirigeant de CIBC, Pierre-Yves Moreau, un consultant et Christian Paris, ancien membre du Syndicat national des pilotes de ligne. Ancien pilote et syndicaliste d'Air France, Jean-Charles Corbet avait repris la société Air Lib en août 2001 avec l'appui du ministre des Transports communiste de l'époque, Jean-Claude Gayssot. Bénéficiant du soutien financier de l'Etat, le nouveau PDG s'était d'abord accordé d'entrée une prime de "bienvenue" de 785.000 euros (762.000 net) sur les fonds de la société, somme qu'il a investie dans un hôtel en Polynésie. Deux de ses collaborateurs ont eu une prime de la moitié de ce montant. Air Lib, qui regroupait les anciennes compagnies Air Liberté et AOM, bénéficiait au départ d'une somme d'environ 152,45 millions d'euros laissée par Swissair en règlement d'un litige antérieur. Jean-Charles Corbet et son équipe ont logé des actifs pour 37 millions d'euros, dont des appareils de la compagnie, dans une filiale hollandaise, appelée Mermoz et une autre au Luxembourg, Holcolux. Des contrats ont été passés avec Me Léonzi (5,5 millions d'euros d'honoraires) et la CIBC, en échange de prestations jugées faibles ou inexistantes par les enquêteurs. "Mais il n'a jamais été dit, écrit, précisé que l'argent remis à Holco (sa holding-NDLR) devait aller entièrement à Air Lib", a estimé Jean-Charles Corbet lors de la première audience. Les filiales étaient destinées selon lui à créer un grand groupe international. En raison du contexte de l'après-11 septembre 2001 pour le transport aérien et d'une stratégie floue, Air Lib était ensuite tombée dans un état financier désespéré. Le gouvernement Raffarin avait refusé début 2003 la dernière offre de reprise d'Erik de Vlieger, jugeant ses exigences exorbitantes et les chances de relance trop faibles. Jean-Charles Corbet a échappé en 2003 à la détention provisoire, moyennant le paiement d'une caution et la remise à la justice de divers biens, dont une bague d'une valeur de 153.470 euros achetée pour son épouse chez Van Cleef et Arpels avec l'argent de la société. A la barre, Jean-Charles Corbet a aussi déclaré "qu'en lisant ce qui lui est reproché, il a beaucoup de mal à saisir certaines choses". Pour lui, les placements à l'étranger que l'accusation voit comme des détournements de fonds procédaient en fait d'une stratégie de développement. Le prévenu a assuré à la barre qu'on l'avait encouragé à reprendre la société en difficulté, malgré son peu d'expérience de la gestion : "la gestion courante, c'est pas mon métier". Le "golden hello" était normal, car il avait quitté sa situation sans indemnités à Air France, a dit Jean-Charles Corbet au tribunal : "la prime s'analyse par rapport à la situation que vous quittez et aux risques que vous prenez". Son avocat Xavier Flécheux a plaidé une demande d'annulation de la procédure, au motif que l'affaire a déjà fait l'objet d'une enquête devant une commission d'enquête parlementaire, ce qui selon lui empêcherait le volet pénal d'aboutir. Ce point sera tranché dans le jugement sur le fond.