Fillon prononce le mot tabou

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Hélène Favier , modifié à
A Tokyo, le premier ministre a lâché le mot "rigueur", qu'il refusait de prononcer jusqu'à présent.

7 mai 2010. François Fillon vient d'annoncer le gel des dépenses de l'Etat pour trois ans, mais reste formel : en France, "on est loin d'un plan de rigueur", qui "n'existe pas et qui n'existera pas". 16 juillet 2010. Pour évoquer les mêmes mesures, le Premier ministre évoque à Tokyo la "rigueur" mise en oeuvre par la France.

Un mot tabou

Vantant les mesures d'austérité lancée par Paris, François Fillon a en effet assuré vendredi, devant un parterre d'hommes d'affaires japonais : "Nous sommes très attentifs à ne pas prendre des mesures qui viendraient stopper la croissance. (...). C'est la raison pour laquelle dans tous les budgets de l'Etat, le seul qui n'est pas soumis à la rigueur, c'est le budget de l'Enseignement supérieur et de la recherche".

Jusqu'à présent, l'exécutif se refusait totalement à l'emploi de ce mot "rigueur", jugé trop impopulaire auprès des Français.

Petit rappel en vidéo : écoutez, par exemple, François Fillon, il y a deux mois :

Sarkozy s'y refuse

Le président de la République Nicolas Sarkozy l'avait lui-même écarté lundi soir lors de son intervention télévisée sur France 2 .

Le 25 juin dernier, le Premier ministre affirmait encore : "Il y a des pays qui baissent les rémunérations des fonctionnaires, il y a des pays qui licencient des fonctionnaires, il y a des pays qui réduisent de façon drastique, il y a des pays qui augmentent de plusieurs points la TVA. Si on était amené un jour à mener une politique comme celle-là, oui je dirai que c'est une politique de rigueur".

De la "ri-lance" à la "rigueur"

La ministre de l'Economie Christine Lagarde, qui accompagne François Fillon à Tokyo, s'était aussi attiré les foudres d'une partie de son camp pour avoir récemment affirmé que la politique française de sortie de crise était un mélange de "rigueur" et de "relance", qu'elle avait résumé par le néologisme "ri-lance".

Un mot qui rassure les marchés

Le patron des sénateurs UMP Gérard Longuet, a, pour sa part, salué le changement sémantique du Premier ministre, vendredi matin sur Europe 1. "Je trouve que Fillon a eu raison car dans le monde économique d'aujourd'hui, il y a des mots qui sont partagés par tous les grands observateurs. Et si vous n'utilisez pas ces mots, vous risquez de ne pas être compris", a-t-il insisté.

"Il y a des mots qu'il faut savoir utiliser, non pas pour la réalité française (...) Mais pour rassurer les marchés et François Fillon a raison. Les mots qu'ils emploient sont les mots qu'attendent les financiers internationaux qui prêtent de l'argent à la France", a-t-il enfin justifié.